Pour le centenaire de la naissance de Danielle Casanova, sa niêce, Isalyne Amalric Choury, a rassemblé des documents et objets que la famille détenait. Certains n’avaient jamais été exposés. Ils ont été présentés au public corse en attendant de rejoindre le Musée National de la Résistance à Champigny.
Dans l’intimité de Vincentella…
A considérer Danielle CASANOVA sous le seul angle de la Résistance, on en oublierait presque qu’elle était aussi « une enfant comme beaucoup de petites filles corses, une enfant qui aimait la vie, la joie, l’amitié, le rire et les jeux. Elle habitait Ajaccio mais passait toutes ses vacances scolaires à Vistale chez ses grands parents » rappelle sa nièce Isaline Amalric-Choury.
La famille représente également un motif fondamental de la trajectoire. C’est pourquoi Isaline Amalric-Choury a décidé de remettre en perspective, d’ordonner les moments de l’existence de Danielle. C’est ainsi qu’à travers cinq panneaux – l’enfance, le militantisme, l’arrestation, les témoignages et les hommages – elle noue, avec une exemplaire clarté et une émotion pleine d’espoir, le fil biographique et l’analyse historique. « J’ai commencé par évoquer les premières années de la vie de Vincentella Perini. » L’épisode met en scène des photos de famille, le diplôme de chirurgien-dentiste, la Légion d’Honneur de Danielle Casanova. Il dit des pensées simples et donne des preuves d’éternité d’une touchante sincérité à travers un petit jouet. « Danielle, lors de son incarcération à Romainville a appris ma naissance. Elle a confectionné une petite poupée en chiffon. Celle-ci ne m’a jamais quittée. Elle m’a servie de symbole. » L’exposition fait référence à la maison de Piana à travers des tableaux.
Danielle la militante
A cet égard, Isaline Amalric-Choury se souvient « d’une pièce musée dans laquelle on avait interdit aux enfants de pénétrer. C’est là que ma grand- mère recevait tous les déportés. Ils lisaient et relisaient tous ensemble les lettres de Danielle, tout en buvant un verre de muscat. Lorsque j’ai eu dix ans, je suis entrée à mon tour dans la pièce. C’est le moment qu’avait choisi ma grand-mère pour me raconter l’histoire de ma tante. » Danielle Casanova est inséparable du combat féministe. Elle lance les « Jeunes Filles de France », « un mouvement de jeunes filles pacifistes et antifascistes. Ailleurs, la parole de la résistante arrêtée par les policiers français s’impose à travers un extrait du « Patriote », des tracts rédigés à Auschwitz, le journal qu’elle écrit entre les murs du fort de Romainville puis à travers une série de lettres. Un grand nombre d’entre elles est adressé à sa mère. Toutes traduisent « le souci de l’autre. Par exemple, elle demande à ma grand-mère de prendre soin du petit Michel Politzer dont les parents ont été arrêtés et sont morts en déportation. J’ai d’ailleurs cru, pendant longtemps, que Michel était un cousin. » Les écrits suggèrent une réflexion sur « le langage des héros ». Depuis la cellule insalubre de Romainville et le baraquement atroce d’Auschwitz, Danielle Casanova reste confiante en l’avenir. « L’espoir habite mon cœur », assure-t-elle. Parmi les ténèbres, tandis que le mécanisme d’extermination fonctionne à plein, il est quand même question de bonheur. « Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n’avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune. » La jaune fille de Piana ne cède en rien. Elle reste « convaincue qu’elle va survivre. Elle adoptait une attitude résolument positive. Elle attirait à elle des gens très différents. Elle était du côté de la vie. De la solidarité et du courage. Mais il s’agissait de courage dans l’horreur. C’est d’ailleurs en soignant une de ses camarades atteinte du typhus qu’elle a contracté la maladie. « Elle en est morte » raconte sa nièce. Les pensées tristes sont inutiles. Dans certains paragraphes, la mort s’insinue, sans parvenir pour autant à briser les enthousiasmes. La visée funeste jette les bases d’une société meilleure, capable de résistance, selon la prisonnière des nazis. « Tu diras à mes amis que je meurs pour la France. Tu diras à maman d’être courageuse. D’autres continueront. »
Nous les enfants, nous ne t’oublions pas.
L’exposition emprunte le rythme des déportés « des femmes, fils et frères de déportés », rejoint les voix de Manca Svalbova, la compagne tchèque de captivité, puis celle de Marie-Claude Vaillant-Couturier et de Geneviève de Gaulle. Elle comporte également de beaux hommages. La plupart datent de l’immédiate après-guerre. Le style est tantôt journalistique, tantôt poétique. Tous fournissent des données historiques primordiales.
En marge de l’exposition, Isaline Amalric-Choury a décidé de porter le message de sa tante aux enfants de l’école de Piana « je tenais à ce que les enfants sachent. Je leur ai lu un petit texte que j’avais préparé. Cela participe au devoir de mémoire. » Le 9 mai 2009, les enfants ont assisté à la cérémonie commémorative au tombeau de Vistale. Ils avaient réalisé des bouquets champêtres et fait ainsi renaître le « printemps de Danielle ». Léa Secondi, en classe de CM2 à Piana, a lu une petite lettre. La fillette en est persuadée : « les ennemis n’auront pas réussi à te faire disparaître complètement si, nous les enfants, cent ans après ta naissance, nous ne t’oublions pas. »
Véronique Emmanuelli
*article paru dans LA CORSE VOTRE HEBDO le 26.06.2009, publié sur notre site avec l’aimable autorisation de Véronique Emmanuelli et de la rédaction du journal