Le rôle des antifascistes italiens réfugiés en Corse avant guerre, tout comme la part prise par une partie des troupes italiennes dans les combats libérateurs de l’île contre les troupes de la Wehrmacht est méconnu, en Corse même.
Puissance ennemie de la France jusqu’à la signature de l’armistice (annoncée le 8 septembre 1943), l’Italie se range, aussitôt après, aux côtés des Alliés. Puissance occupante de la Corse jusqu’au 8 septembre, une partie de l’armée italienne prend part aux combats avec les Résistants et l’armée française pour chasser les troupes allemandes présentes dans l’île en cet été 1943. Ce retournement d’alliance est souvent méconnu, en Corse même. Tout comme est méconnu le rôle des antifascistes italiens qui avant guerre militaient à l’Unione delle patriotti itlaliani (U.P.I.) et à la Ligue des droits de l’homme
Ceci explique quelques réactions à deux passages du discours prononcé par notre association à l’occasion de la célébration de la libération de la Corse le 9 septembre 2009.
Réaction à la mention faite de la participation des Italiens à la libération de notre territoire. Nous avons mentionné il est vrai la part active prise dans la Résistance corse de nombreux antifascistes italiens qui avaient fui le régime mussolinien (note 22. interview Albert Stefanini), parmi lesquels certains -à l’égal des Corses- avaient fait partie des Brigades Internationales ; conscients qu’ils étaient du péril que représentait l’insurrection franquiste contre la jeune république espagnole.
Ces émigrés antifascistes italiens ont œuvré aux côtés des Corses qui combattaient l’occupant et refusaient que la Corse soit annexée à l’Italie. Ils ont fait bénéficier à la Résistance corse de l’expérience qu’ils avaient acquise dans leur lutte contre le régime fasciste résistance et qui leur avait valu les persécutions et l’exil. Il s’agit là d’une réalité. De la même façon il est vrai qu’une minorité de Corses se sont rendus complices des visées annexionnistes de Mussolini.
Un autre fait, mentionné dans l’allocution prononcée le 9 septembre est la part prise par une partie de l’armée italienne dans les combats libérateurs contre la Wehrmacht sur le sol de Corse (notes 21 et 23, Interview d’Albert Stéfanini et du Colonel De Peretti.). Grâce aux contacts établis, bien avant le soulèvement du 9 septembre, entre la Résistance Corse et certains chefs de l’armée d’occupation italienne, cet appui a été possible car parmi eux nombreux étaient ceux qui souhaitaient la fin du régime fasciste (note 24, Interview Bernard Vincensini). A partir du soulèvement, aux côtés des résistants corses, de nombreux soldats italiens sont morts (1) en participant à la libération de l’île dans la lutte contre les régiments allemands débarqués de Sardaigne et qui remontaient vers Bastia
Pourquoi alors taire ces faits ?
Contrairement au conflit mondial précédent au cours duquel les lignes d’affrontement étaient géographiques, durant cette seconde guerre mondiale l’affrontement était idéologique et c’est une réalité que de reconnaître et de dire qu’en Italie comme en Allemagne des hommes et des femmes s’engagèrent dans le combat contre le fascisme et le nazisme.
S’il fallait encore prouver que l’enseignement et la connaissance de l’histoire est une nécessité, l’incompréhension de certains de nos compatriotes en est l’illustration.
Mario PAPI
– A lire ou à relire : « Tous Bandits d’Honneur ». Maurice Choury. Editions sociales 1958. Pages 140-142-149-152-153 et surtout p. 210 « La cobelligérance » [LE statut de obelligérant a été accordé par les Alliés mais pas par la France. Cf Les Français devant la cobelligérance italienne 1943-1945. Pierre Guillen.
« Il serait injuste de ne pas mentionner le concours précieux que certaines unités italiennes ont apporté à la libération de l’île. Mais cette cobelligérance est elle aussi à porter à l’actif de la Résistance corse, car elle avait su au cours même de la lutte clandestine faire les déductions nécessaires : les Mussolini passent, le peuple italien demeure. La lutte contre le chauvinisme pendant l’occupation a rendu possible les contacts qui nous ont valu ultérieurement le soutien actif d’une bonne partie des « soldats du roi » en marche, comme nous, vers l’indépendance nationale et la liberté.
- Général Gambiez « Libération de la Corse » p. 299 Etat des pertes militaires pour les opérations de Corse. (Du 13 septembre au 4 octobre)
Pertes italiennes (7ème C.A.) : Tués : 245. Blessés 557.
N.B. * Plus de 2 000 hommes portés « disparus », étaient en réalité détenus par le Allemands. Presque tous furent libérés, notamment le 20 septembre, à la suite de négociations menées directement entre les commandements italiens et allemands.
* Dans son livre Les troupes italiennes en Corse avant et après l’armistice du 8 septembre 1943, le Général Magli cite le chiffre de 637 tués (34 officiers et 603 sous-officiers et soldats (Lecce, 1950) - Sur le CD Rom « La résistance en Corse » on trouvera 4 interview sur le sujet
*(21) Interview audio d’Albert Stéfanini : « Combats des 8 et 9 septembre 1943 entre Italiens et Allemands à Bastia + *(22) « Des résidents italiens coopèrent avec la Résistance corse »
*(23) interview vidéo du Colonnel De Peretti :« Volontaires militaires italiens à Levie »
*(24) interview vidéo de Bernard Vincensini : « Contact avec des soldats italiens à Vezzani »