Sur les lieux où il fut assassiné, à Ajaccio, tous les ans, à la date anniversaire du 6 février, la Corse rend hommage au préfet Erignac. Fait remarquable cette année: le président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Corse, qui n’a jamais condamné l’assassinat, était présent mais, rompant avec la tradition républicaine, il n’a pas déposé de gerbe. Le président de l’assemblée de Corse a, quant à lui, refusé de participer à la cérémonie. L’A.N.A.C.R. 2A était présente avec son drapeau.
ALLOCUTION DU PREFET CHRISTOPHE MIRMAND
« Le 6 février 1998, vers 21 heures, sur ce trottoir de l’avenue Colonel Colonna d’Ornano, Claude ERIGNAC, Préfet de Corse était assassiné de trois balles tirées dans la nuque. En agissant ainsi, des criminels soustrayaient cruellement Claude ERIGNAC à l’affection des siens, et interrompaient brutalement la mission que le Gouvernement lui avait confiée dans l’île, qu’il accomplissait brillamment, lui qui aimait la Corse, en comprenait l’identité et la singularité, y servait la République avec ferveur.
Fonctionnaires, élus, responsables religieux, associatifs, consulaires ou syndicaux, citoyens, venus témoigner la même volonté de mémoire, d’humanité et de justice, nous sommes rassemblés aujourd’hui pour honorer la mémoire de ce juste. Je vous remercie pour votre présence réconfortante face à ce souvenir douloureux. En votre nom, j’adresse une pensée respectueuse et recueillie à Madame Dominique ERIGNAC et à ses deux enfants, Christophine et Charles-Antoine, à cette famille qui a été plongée dans la souffrance. Je rends hommage à leur courage exemplaire.
Cette cérémonie se veut sobre et digne, à l’image de Claude ERIGNAC. Un homme droit, tolérant, déterminé, humaniste. Un homme qui avait réalisé un parcours exemplaire et recueilli le respect et l’estime partout où l’intérêt général l’avait appelé. Un homme qui nourrissait une conception exigeante du service public, fondée sur le dévouement, l’intégrité, la rigueur morale, l’ouverture d’esprit, le dialogue, la simplicité. Un homme détenteur de l’autorité de l’ Etat, capable de décider et d’agir. Ses qualités vivent avec intensité dans le souvenir de tous ceux, en Corse, et sur le continent, qui l’ont connu et apprécié. Pourtant, en 1998, il succombait à l’idéologie de quelques-uns, qui voulurent lancer un défi à l’ Etat qu’il incarnait. Stéphane ZWEIG, que Claude ERIGNAC lui-même aimait à citer dans ses carnets, disait que « Tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine c’est tuer un homme » – simplement.
Depuis, la Justice a fait son œuvre et les auteurs de cet assassinat ont été sanctionnés, conformément à la loi. Si nous sommes réunis, dix-huit ans après ce crime, c’est pour réaffirmer notre attachement à la République, à ses valeurs et à ses principes. Unis, comme nous l’avons été aussi après les attentats dramatiques de Paris en janvier et novembre derniers. Ces évènements sont différents, naturellement. Mais ils nous rappellent, avec une force terrible, que les valeurs qui nous animent sont aussi précieuses que fragiles, et périssables que les hommes qui les font vivre. Notre idéal commun, c’est de vivre sous le règne de lois librement consenties, dans un Etat de droit garantissant la paix civile. Notre idéal commun est gravé dans des institutions, la République, garante des valeurs que nous chérissons. Ces valeurs s’incarnent dans des hommes : Claude ERIGNAC étant l’un d’entre eux. Sa mort nous a tous frappés au cœur : à travers lui, tous ceux qui partagent le même idéal de liberté, d’égalité et de fraternité ont été touchés, meurtris au plus profond. La Corse l’a bien compris, qui, alors, s’était levée, forte de 40.000 de ses hommes et de ses femmes, à l’occasion de la plus grande manifestation de l’Histoire de l’île.
Citoyens de Corse, vous êtes présents chaque fois que la République, notre bien commun, est menacée dans ce qu’elle a de plus cher, et pour s’opposer farouchement à la violence, qui n’a jamais de sens, jamais de légitimité, jamais d’issue, et que rien ne saurait justifier. 18 ans après l’assassinat du Préfet ERIGNAC, sa mort continue de donner forme, jour après jour, à l’action publique en Corse. Sa mort nous oblige, collectivement. Nous oblige d’agir pour une île réconciliée, tournée vers le développement, solidaire, ouverte sur le monde méditerranéen, dotée des outils nécessaires pour regarder avec confiance son avenir, débattu dans un dialogue serein entre les différentes sensibilités parcourant les assemblées élues de l’île, entre ces mêmes assemblées et le Gouvernement.
Plus que jamais, alors que notre pays traverse des moments difficiles, que la Corse se trouve confrontée à une crise économique et à des difficultés sociales qui fragilisent la cohésion de la communauté insulaire, conduisent certains à vouloir dresser les identités, les cultures, les Histoires, les unes contres les autres, nous devons nous rappeler de l’engagement de Claude ERIGNAC pour une Corse vivant dans la paix et jouissant de ses extraordinaires atouts. La République sera toujours aux côtés de la Corse à qui l’unit une communauté de valeurs, de principes, d’histoire et de destin. L’identité de la Corse, son âme, se nourrissent des valeurs de notre République, autant qu’elle les nourrit en retour. C’est ainsi avec confiance, avec fierté que je peux dire ici, aujourd’hui :
« Vive la Corse, Vive la République, Vive la France ».