Samedi 27 mai s’est tenue la journée nationale de la résistance. Il y a 74 ans, à cette même date, se réunissaient pour la première fois, rue du Four à Paris, les représentants du futur Conseil national de la Résistance (CNR). La Journée nationale de la Résistance a été instaurée par la loi du 19 juillet 2013. Cette journée fournit l’occasion d’une réflexion sur les valeurs de la Résistance et celles portées par le programme du CNR. La communauté éducative est invitée à s’y associer.
La cérémonie s’est déroulée au monument de la Résistance d’Ajaccio. Tour à tour ont pris la parole : Eva Gilardin, lauréate du Concours National de la Résistance, Malika Beaurin de l’ANACR 2A et M. Jean Philippe Legueult secrétaire de préfecture de la Corse-du-Sud.
Eva Gilardin a lu la lettre testament de Charles Bonafedi. Malika Beaurin a lu le message de la présidence de l’ANACR, puis le M. Legueult a conclu par la lecture du message du Président de la République.
Comme le veut la tradition, la cérémonie s’est poursuivie par le dépôt des gerbes et les hymnes.
Message de la présidence de l’ANACR, lu par Malika Beaurin
27 mai 1943. Depuis près de trois ans Paris est occupé par l’armée nazie qui quadrille la capitale. Bravant l’ennemi, se réunissent 48 rue du Four, les représentants de huit grands mouvements de Résistance, de six partis politiques résistants ainsi que des deux centrales syndicales clandestines. Le mérite en revient surtout à l’émissaire du général De Gaulle, Jean Moulin, qui depuis des mois, dans la clandestinité, a œuvré à unir toutes ces Résistances pour qu’elles n’en fassent plus qu’une. Le premier acte de Résistance de ce préfet d’Eure et Loire fut son refus de céder aux injonctions de l’occupant qui lui enjoignait d’accuser faussement des soldats sénégalais de l’armée française, soi-disant meurtriers de civils. Jean Moulin tentera de se suicider plutôt que céder à l’occupant. Révoqué par l’administration pétainiste, il était entré en résistance dès novembre 1940 et depuis lors s’était consacré au rassemblement de toutes les forces de la Résistance. Il y a réussi, au prix de sa vie : il meurt quelques semaines après cette réunion, le 8 juillet 1943, des suites des tortures qui lui ont infligé ses bourreaux nazis.
Cette réunion du C.N.R. , le 27 mai 1943, avait été placée sous sa présidence. Ce fut un moment historique ; à son issue naitra, le Conseil National de la Résistance. L’événement sera en effet de portée considérable : toutes les forces de la Résistance, jusque-là dispersées, vont être désormais coordonnées. A compter de ce jour, la voie est ouverte à l’unification, au sein des FFI, des différentes structures militaires de la Résistance. Commence alors l’élaboration d’un programme qui sera publié dix mois plus tard, en mars 1944.
Historique, L’évènement l’était aussi puisque, lors de sa réunion constitutive, le CNR se plaçait sous l’autorité du Comité National Français présidé par le Général de Gaulle, permettant ainsi au chef de la France Libre de se prévaloir dorénavant d’une légitimité que lui contestait par les chefs Alliés, lui préférant le général Giraud, plus docile aux yeux des Alliés. Le général De Gaulle devenait dès lors, le seul représentant de l’ensemble de la France Combattante : celle qui luttait sur le sol national et celle de la France Libre qui s’illustrait sur tous les théâtres d’opération aux côtés des Alliés.
Patriotisme, humanisme, idéaux démocratiques, aspiration à une société solidaire, à un monde juste et en paix, telles furent les valeurs qui motivèrent l’engagement des Résistantes et des Résistants dans le combat contre l’occupant et le régime pétainiste complice de ses crimes. Ces mêmes valeurs inspirèrent le programme du Conseil National de la Résistance, lequel dessina les contours d’une France rénovée après sa libération ; un programme appliqué à la Libération par le gouvernement présidé par le général De Gaulle qui permit de redresser économiquement la France, d’affirmer son indépendance nationale et d’approfondir sa vie démocratique, Le programme du CNR ce furent aussi des lois qui forment encore aujourd’hui – malgré des remises en cause de ces dernières années – le socle de notre protection sociale.
Soixante-douze ans après la victoire, le 8 mai 1945, des peuples et des armées alliées sur la barbarie du nazisme et des fascismes, le monde contemporain connaît hélas toujours la guerre, l’oppression, le racisme, les discriminations et épurations ethniques, les persécutions religieuses, le sous-développement social et culturel de populations entières, les actes de terrorisme, tels ceux qui frappent partout dans le monde ; ceux qui ont frappé la France en 2015, 2016 et en ce début 2017, autant de fléaux contre lesquels il faut se dresser sans faillir.
Les héritiers des idéologies criminelles vaincues en 1945 relèvent la tête, paradent dans les rues, font l’apologie publique de ceux qui se firent les acteurs ou complices des crimes fascistes et nazis, et – pire – retrouvent une audience qui va croissante à la faveur des crises que connaissent nos sociétés et le monde : en Europe orientale et centrale, en Europe tant du Nord que de l’Ouest. En Grèce, un parti ouvertement néonazi est entré au parlement… Dans notre pays, fleurissent les discours xénophobes qui ne sont plus la marque de la seule extrême-droite.
Dans ce contexte, les valeurs humanistes, démocratiques et patriotiques pour lesquelles luttèrent les Résistants, et que symbolisent les figures emblématiques de Jean Moulin et du Général de Gaulle sont d’actualité. Cette aspiration à une France et à un monde meilleur, plus juste et solidaire contenu dans le Programme du Conseil National de la Résistance restent plus que jamais d’actualité.
S’adressant le 8 mai 2015 aux lauréats nationaux du Concours National de la Résistance et de la Déportation, Louis Cortot, Compagnon de la Libération, Président de l’ANACR leur délivrait ce message : « Réfléchissez, n’acceptez pas les injustices, agissez. Pas parce que vous êtes sûr de réussir, mais parce que c’est juste : c’est cela avoir un idéal. […] Restez toujours vigilants. Intéressez-vous à ce qui se passe en France, en Europe, dans le monde. Tout vous concerne. […] Défendez vos droits, mais ayez aussi conscience de vos devoirs. Vous pouvez le faire. J’ai confiance en la jeunesse.»
C’est cela l’esprit de la Résistance.
Cécile Rol-Tanguy, Henriette Dubois et Pierre Martin
Message du président de la République, lu par M. Legueult, secrétaire de préfecture de la Corse-du-Sud
Nous célébrons aujourd’hui le 74ème anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance. Les hommes qui se réunirent ce 27 mai 1943 dans l’appartement de René Corbin au 48 de la rue du Four, à Paris, portaient chevillées au corps deux vertus essentielles dont la force aujourd’hui encore résonne en nous : le courage et l’espérance.
Le courage, parce qu’ils bravaient les risques inouïs de la clandestinité pour faire pièce à l’occupant nazi, quittant parfois femmes et enfants pour rejoindre les soldats de l’ombre. Plusieurs ne devaient pas voir la fin de la guerre. Capturés, certains furent déportés, d’autres fusillés. Le premier d’entre eux ; Jean Moulin, qui présidait ce jour-là par mandat exprès du général de Gaulle cette réunion fondatrice du Conseil National de la Résistance, sauva l’ensemble de cette entreprise en gardant le silence sous la torture du plus cruel des bourreaux, Klaus Barbie.
Leur courage fut aussi intellectuel et politique. Car ils surent laisser de côté ce qui les opposait pour construire la France des lendemains victorieux. Ils étaient avocats, chimistes, ingénieurs, responsables politiques, syndicalistes, chrétiens, athées, anarchistes… Ils décidèrent de s’unir pour être plus forts, plus organisés, plus efficaces. Ce faisant, ils remettaient leur destin et celui de leur organisation entre les mains d’hommes qui en temps de paix eussent été des adversaires. Comme il fallait croire en l’autre pour faire cela. Comme il fallait croire en l’honneur. Et croire en la France.
Toute leur espérance était là : la France à la fin vaincrait. Et ils ne se seraient pas battus seulement pour chasser l’occupant, mais pour construire une nation plus grande et plus belle. L’union conclue dans le secret d’une rencontre clandestine devait survivre aux périls de la guerre. De l’épreuve devait naître une France où les clivages d’avant n’auraient plus cours. Où l’intérêt national supplanterait les querelles de chapelles. Aussi le 27 mai 1943 ne fut-il pas seulement un moment-charnière de la résistance à l’ennemi, mais l’acte de naissance de ce pacte qui, pendant des décennies, devait fonder la réconciliation française, la prospérité retrouvée, la République reconquise.
Cet esprit ne doit point cesser de nous animer. Hier comme aujourd’hui, lorsque notre pays doute de lui-même, il nous faut contempler une fois encore l’exemple de ceux’ qui, au péril de leur vie, façonnèrent la France qu’ils rêvaient pour leurs enfants. Ces hommes et ces femmes nous ont offert l’exemple durable de ce que l’on peut accomplir lorsque l’on se met au service des plus hauts intérêts du pays.
C’est cela qu’en ce jour je souhaitais saluer avec solennité et gratitude. Car c’est cela qui, aujourd’hui encore, nous guide et conduit notre action.
Emmanuel MACRON