La Corse non-occupée mais sous contrôle d’une délégation italienne
Mai-juin 1940. En quelques semaines, l’armée française que beaucoup croyait la meilleure du monde, s’écroule et subit sa plus cinglante défaite. Plus de 90.000 morts, le double de blessés, près de 2 millions de prisonniers, des millions de personnes fuyant la zone des combats et un pays dévasté. Les Allemands occupent les 2/3 du pays. Le 1/3 restant, dans le sud de la France, est laissé par les vainqueurs au gouvernement Pétain en échange de sa collaboration. Mussolini met à profit cette situation : il entre en guerre contre la France le 10 juin 1940. La guerre est de courte durée : l’armistice est signé deux semaines après. La Corse, durant cette courte période n’a eu à subir que quelques bombardements de l’aviation italienne et les dégâts sont peu importants. Mais l’inquiétude est grande dans l’île ; la France sens dessus dessous, son gouvernement aux ordres du Führer ne va-t-il pas abandonner à l’Italie la Corse qui depuis quelques années la convoite comme Terra irredenta ? Hitler décide : s’étant lui-même bien servi, il réfrène les ardeurs annexionnistes de Mussolini qui devra patienter. Il lui est seulement accordé qu’une délégation dite italienne d’armistice (D.I.A.) contrôle le désarmement de l’île prescrit par l’armistice.
Contre Pétain
La délégation italienne arrive en Corse le 8 juillet. Elle n’est pas la bienvenue. Le major de la garnison d’Ajaccio, Pierre Silvani le lui fait savoir. Eugène Macchini, Président de la municipalité bonapartiste aussi ; en organisant une manifestation anti-italienne. Les sanctions tombent : 15 jours d’arrêts de rigueur pour l’un, 20 jours de prison pour l’autre. Plus discrètement, des militaires font des démarches auprès de Churchill et du consul d’Angleterre pour rejoindre De Gaulle à Londres. En vain ! Le commandant Pietri depuis Vichy où il est en poste, lance un appel à la Résistance. Pendant ce temps, à Vichy, les parlementaires corses sont appelés à voter les pleins pouvoirs à Pétain, donc la fin de la République. Seul le sénateur radical Paul Giacobbi, sur les cinq parlementaires présents, vote contre. César Campinchi a, lui, une bonne raison d’être absent : il est retenu en Afrique du Nord. En revanche, Adolphe Landry, autre radical est absent pour ne pas avoir à voter.
Ou avec lui.
A l’image de la représentation parlementaire, le maréchal Pétain bénéficie en Corse d’un large soutien de l’opinion qui fait confiance à celui qu’on présente comme le vainqueur de Verdun. Dès le 29 août 1940 est crée à Ajaccio la Légion Française des Combattants dirigée par Pascal Mondielli, officier en retraite. La L.F.C comptera jusqu’à 22% de la population masculine de l’île fin 1941, à son apogée. Mais à partir de cette date les yeux commencent à se dessiller quand la L.F.C. accepte de patronner la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme (L.V.F.) ; et encore plus quelques mois plus tard quand les dirigeants de la L.F.C., avec le maire d’Ajaccio Dominique Paoli, approuvent le discours de Pierre Laval : « Je suis partisan de la victoire allemande ». Les illusions sur la prétendue neutralité de Vichy s’envolent un peu plus.
11 novembre 1942, la Résistance prend corps.
A contrario, la Résistance s’en trouve encore plus légitimée en cette année 1942. Malgré les difficultés de communication, et l’isolement de la Corse, dès la début 1941 elle a pris contact avec des réseaux et mouvements de Résistance du continent. Parmi eux, le Front National, créé par les communistes qui est le mieux organisé dans l’île. La présence des troupes italiennes à partir du 11 novembre donne son élan à la Résistance. « Avant ce 11 novembre funeste, dit Arthur Giovonni1Discours prononcé le 10 septembre 1993, de timides tentatives d’organisation avaient bien eu lieu pour créer un front du refus mais la Résistance était restée une aspiration plus qu’une réalité. Au soir du 11 novembre, elle allait prendre corps. »