Patriotisme et antifascisme : le refus de l’annexion italienne
L’histoire de la Corse pendant la Seconde Guerre mondiale est incompréhensible si on ne l’inscrit pas dans l’ensemble national français et le contexte mondial. C’est nécessaire mais la situation de l’île présente aussi des traits bien particuliers qui tiennent à sa géographie –insularité, relief et position au cœur de la Méditerranée- et surtout à son histoire. En effet, ça faisait 150 ans en 1939 que l’île avait été co-auteur de la Révolution française, s’extrayant ainsi de l’aire géopolitique du Mezzogiorno dans laquelle la tenait enfermée les dominations pluriséculaires pisanes et génoises. Aussi quand la France est vaincue par les forces de l’Axe, les Corses craignent l’annexion de l’île revendiquée par Mussolini comme terra irredente. Et c’est bien de la volonté de rester Français que la Résistance corse tirera sa force et son ampleur ; ce même patriotisme qui fut un temps dévoyé par l’escroquerie au patriotisme de Pétain. Patriotisme doublé d’antifascisme pour les plus avertis. Un antifascisme que les réfugiés politiques italiens ayant fuit leur pays dans les années 30 avaient nourri avant même que n’éclate le conflit, allant même jusqu’à aider à l’organisation du petit parti communiste qui s’avèrera la principale force politique de la Résistance. En rupture avec le système des clans, cette nouvelle force politique créera la principale organisation de la Résistance, le Front National, qui après l’échec de la mission de Fred Scamaroni recevra le renfort de la composante gaulliste, elle aussi présente dans la lutte contre l’occupant.
Occupation, résistance et libération de la Corse
C’est le Front National qui, à l’annonce de la capitulation italienne, appellera à l’insurrection, le 9 septembre 1943. Acte non voulu par les alliés et les Français à Alger qui privilégient le débarquement en Italie mais qui, la nouvelle de l’insurrection connue, amèneront l’équivalent d’une division des troupes françaises pour aider les insurgés. L’insurrection fut un acte audacieux mais bien pensé puisqu’il avait misé sur le concours de l’armée italienne, au pire sur sa neutralité, dans le combat contre les troupes allemandes : celles présentes dans l’île durant l’été 1943 et celles de passage qui traversent la Corse pour rejoindre l’Italie continentale depuis la Sardaigne, soit à peu près 30.000 hommes. En moins d’un mois, le 4 octobre, la Corse sera le « premier morceau libéré de la France ». S’achevaient ainsi 11 mois d’une pesante occupation italienne, forte de 80.000 hommes environ pour moins de 200 000 habitants que compte la Corse.
Libérer la France. Reconstruire. Se souvenir
La Corse libérée, l’île servira de « porte-avions » (USS Corsica) pour la conquête de l’Italie et plus tard le débarquement de Provence. Les Corses, eux, continueront le combat sur d’autres théâtres d’opération, jusqu’à la capitulation nazie. La guerre finie il faut panser les plaies : le sacrifice des Résistants morts ou déportés, celui des soldats et des prisonniers. La « parenthèse » de la guerre refermée, après la surpopulation du fait de la présence des troupes italiennes puis alliées, le déclin démographique continuera inexorablement, handicapant la reconstruction d’une économie sortie affaiblie du conflit. Une page de l’histoire de la Corse est tournée. Mais le souvenir reste vivace de ces années tragiques et glorieuses. Les habitants de l’île en « conservent une résonance particulière souligne l’historien Jean Marie Guillon (1). Des mémoires légitimes et d’autres qui le sont moins se disputent aujourd’hui l’héritage de sa Résistance. Faire mieux connaître ce qu’elle a été relève de l’action civique en même temps que de la démarche historique. Car la Résistance est constitutive de notre identité de citoyen et d’une certaine idée de la République »
(1) P. 7 de la préface à « Corse de années de guerre » par Hélène Chaubin. Ed. Tirésias-AERI
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