L’annonce de la capitulation de l’Italie est faite le 8 septembre au soir. La 9, le Front National de la Résistance lance l’ordre d’insurrection. Les premiers hommes de troupes, ceux du Bataillon de Choc, venus d’Alger par sous-marins (Casabianca et Aréthuse) débarquent à partir du 13 septembre à Ajaccio. Les Allemands aussi, à Bonifacio et Porto-Vecchio. Aux troupes allemandes déjà présentes depuis le début de l’été, s’ajoutent donc maintenant les éléments de la 90ème Panzer Division qui débarquent à Bonifacio pour rejoindre le nord de la Corse et s’embarquer vers l’Italie. Parmi les troupes italiennes, quelque 80.000 hommes, c’est la confusion ; l’état-major contourne les clauses de l’armistice pour rester neutre, spettatori armati.
L’ordre d’insurrection enjoint aux patriotes de harceler l’ennemi pour le chasser de l’île en lui infligeant le plus de pertes possible. A Conca, dans la nuit du 11 au 12 septembre, les patriotes tendent un piège à un convoi de véhicules allemands à Fautea, sur la route qui mène de Bonifacio à Bastia. Mais face aux chars, les patriotes doivent renoncer et se replient sans pour autant subir de pertes.
Dans les jours qui suivent le flux des véhicules allemands remontant de Bonifacio s’accroît. Pour assurer leur sécurité, le 19 au matin « … un élément léger – quelques véhicules et deux chenillettes – vient perquisitionner à Conca. Il reviendra dans l’après-midi pour fouiller, à plusieurs reprises, le logement de l’instituteur Branca. Vraisemblablement, le village est soupçonné d’être un repaire possible de Résistants. » (1/1)
Le 20 septembre, arrivent dans le village une section du Bataillon de Choc commandée par le Lieutenant Jacobsen et l’aspirant Jean-Pierre Michelin. Avec les patriotes du village, les Chocs décident de dresser le soir même une embuscade entre la rivière de Conca et le col de Fautea, là où la falaise surplombe la route en lacets. 21 patriotes encadrés par 12 hommes du Choc se positionnent durant la nuit.
Au petit matin du 21 septembre, un convoi allemand apparaît. Il est pris sous le feu des assaillants qui sont en surplomb. « En bas [parmi les Allemands], l’affolement est à son comble […] Dans l’aube naissante, chasseurs et patriotes regagnent le maquis […] A onze heures, la troupe au grand complet rentrait à Conca, accueillie avec joie par la population. » (2) Les Allemands auront à déplorer une vingtaine de morts, des blessés et cinq camions détruits.
Ce même 21 septembre, quelques patriotes surprennent une patrouille allemande qui s’approche du village. Avec leurs mitraillettes, ils lui font rebrousser chemin. Mais ayant déjà subi deux embuscades pas loin du village, il n’en faut pas plus à l’ennemi pour être convaincus que Conca est un repaire de Résistants qu’il faut détruire.
« Dans la nuit [du 21 au 22 septembre], un détachement [allemand] fort de 80 hommes, doté de mitrailleuses et de mortiers, fait mouvement vers Conca. Profitant d’une défaillance des guetteurs, il parvient à s’infiltrer, sans donner l’éveil, jusque aux lisières mêmes du village, et il installera ses armes lourdes –mitrailleuses et mortiers – sur les buttes rocheuses dominant la route côté sud. Puis il attendra le lever du jour. […]
La nuit s’étant passé calmement, l’aspirant Michelin, dans la matinée, décide de partir en reconnaissance sur la route de Sainte Lucie. « … un guide se propose tout de suite pour l’accompagner. C’est le secrétaire de mairie de Conca, Jean-Baptiste Leccia, homme déjà âgé mais qui connaît parfaitement la montagne, excellent tireur, et d’un cran remarquable. » (Jacobsen. Propos recueillis par le Général Gambiez. « La libération de la Corse »). Vers 8h. 30 les deux hommes quittent le village. Ils progressent sans méfiance, le poste de guet étant toujours en place. Ils sont tirés à bout portant à la sortie du cimetière ». (1/2). Michelin et Leccia « …sont morts mais ils nous ont tous sauvés. » (3)
Du village on a entendu les coups de feu. L’alerte est donnée. Jacobsen prend position dans le clocher avec un F.M. et Roger Ballès le tireur. Paul Olivesi avec Paul Cavalloni muni d’un F.M.et tout un groupe sont chargés d’exécuter une manœuvre de contournement. Ils sont repérés et subissent le feu ennemi. Paul Cavalloni, avec son F.M. tire jusqu’à ce qu’il s’écroule mortellement blessé à la tête. « Paul Cavalloni, ancien sous-officier d’active, sortait de maladie et bien qu’affaiblit et encore fiévreux, il avait tenu à participer au combat aux côtés de ses camarades. » (1) C’est Olivesi qui le remplace. Le groupe Michelin quant à lui, doit se replier sous la protection du Sergent-chef Coache.
« Les Allemands tentent une seconde avance, mais le F.M. du clocher les arrête encore. Il est presque 11 heures, et je commence à désespérer » relate Jacobsen (3). Pourtant, les coups s’espacent et finalement, subissant encore le feu des F.M., les Allemands se replient emportant cinq morts et une vingtaine de blessés.
« Prise sous les bombardements, la population a fui le village, cherchant un refuge dans le maquis, à Radicali et même jusqu’à Cappeddu. Mais quatre Concais ont été blessés : Marie-Françoise Leccia, née Profizi, Jéromine Leccia, l’épouse de Jean-Baptiste, François Mannarini, et Yvonne Susini. » (1.3)
A.P.
(1.1). Brochure réalisée en 1999 par l’Association concaise, « Pour le souvenir du 22 septembre 1943. »
Elle a été rédigée par M. Jean Ferrandi. Page 5
(1.2). Idem ci-dessus. Page 9
(1.3) Idem ci-dessus. Page 10
(2) Récit du Lieutenant Jacobsen. Cité par Jean Ferrandi (Cf. ci-dessus). Page 8
(3) « La libération de la Corse ». Général Gambiez. Page 210