Les objectifs de l’insurrection ne sont pas seulement patriotiques. Ils sont aussi politiques. Pendant que se déroule le processus de la Libération, les pouvoirs locaux sont totalement bouleversés […] A Ajaccio, le Comité départemental s’érige en un « Conseil de préfecture » qui s’empare de toutes les prérogatives dévolues au Préfet […] Le Préfet François Pelletier ne manifeste aucune opposition. Curieusement, le Comité de Préfecture lui demande de signer les premiers arrêtés qui comportent le ralliement à la France libre (nommée depuis janvier 1942 la France combattante) et donnent au nouveau pouvoir des droits de police et de contrôle sur le ravitaillement et la presse. Cinq Résistants constituent le Conseil de préfecture, 3 sont communistes : Arthur Giovoni, François Vittori et Maurice Choury ; les deux autres sont Henry Maillot, un Ajaccien apparenté au Général De Gaulle et Paul Cesari (de son vrai nom Paulin Colonna d’Istria), chef de mission choisi par Giraud. L’effondrement de l’autorité de Vichy est de bon augure. […] Quant aux organisations para gouvernementales comme la Légion française des combattants, elles sont dissoutes parce que considérées comme anti patriotiques. Le 11 octobre, la direction du Front national Corse annonçait par voie de presse son ralliement à la France combattante. A cette date, conformément au plan d’action du Front national, de nouvelles municipalités à dominante communiste désignées «à mains levées », ont remplacé les équipes de 275 communes sur 366. En tête, les villes les plus importantes : Corte, Sartène et Ajaccio, où le choix s’est porté sur Eugène Macchini, bonapartiste selon la tradition de cette ville, mais résistant dès 1940.
A Bastia, ce n’est qu’au départ de l’occupant allemand, le 4 octobre, que Jacques Faggianelli, un radical socialiste est mis à la tête de la municipalité.
La 4ème Panzer passe de Sardaigne en Corse par Bonifacio, fait sa jonction avec la brigade SS déjà présente depuis août dans le sud et contrôle les voies de communications de la plaine orientale. Les Combats durent jusqu’au 4 octobre 1943.
Jusqu’au 14 septembre, le pouvoir résistant s’exerce sans autre entrave que la présence allemande sur une partie du territoire. Mais à partir de cette date, arrivent d’Alger les responsables civils et militaires chargés par le Général de Gaulle de restaurer un pouvoir d’Etat : le Préfet Luizet, le Secrétaire Général François Coulet, le Général Henry Martin placé à la tête de l’opération de secours « Vésuve ». Ils sont rejoints le 30 septembre par le Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, André Philip, venu assister le Préfet Luizet pour une reprise de contrôle sur les pouvoirs locaux et en particulier sur les mairies. Leur autorité est confortée par la venue de De Gaulle, qui parcourt la Corse du 5 au 8 octobre, et qui peut y mesurer son immense popularité. Le Front national Corse adhère à la France combattante. Le 12 octobre 1943, le Conseil de Préfecture est élargi et constitue de fait le premier CDL (Comité départemental de libération) de France ; quatre résistants non communistes y entrent. Parmi eux, Paul Giacobbi qui crée son propre mouvement IVème République rallié lui aussi à la France combattante.
Hélène Chaubin