L’épuration correspond à l’un des vœux prioritaire des résistants. Compte tenu de la précocité de la libération de la Corse, elle est d’abord exercée par les patriotes. Si les pressions morales sont alors fortes, et créent de réelles tensions, les violences sont limitées : la force des liens de parenté ou d’amitié, les mesures d’éloignement prises par précaution par le préfet Luizet, surtout à l’égard des personnalités, l’expliquent en grande partie. Et à la différence de ce qui s’est produit sur le continent, on n’assiste pas à de sanglantes représailles contre la Milice parce que les Italiens ne l’ont pas instrumentalisée comme le faisaient ailleurs les Allemands. Il y trois phases principales dans l’histoire régionale de l’épuration : celle qui précède l’installation des tribunaux d’exception, celle de la répression judiciaire, et, de 1948 à 1953, un apaisement et un adoucissement des peines infligées, ce qui ne va pas sans susciter des polémiques.
Le projet d’épuration
Lors de la manifestation du 9 septembre à Ajaccio l’annonce publique est faite du projet d’épuration. A la demande du Conseil de préfecture, le Préfet Pelletier signe plusieurs arrêtés. L’article 4 prévoit la dissolution des organisations anti patriotiques, l’article 5 prévoit la peine de mort pour les accapareurs.
La première épuration politique en 1943
A l’initiative du Front national, dans les premiers jours suivant l’insurrection, 262 Conseils municipaux sur 366 sont remplacés par votes publics à main levée. Parmi eux 200 sont contrôlés par les communistes. Suppression du Conseil départemental vichyssois. Arrestations décidées par les comités du Front national de 281 personnes accusées de collaboration.
Initiatives préfectorales : le préfet Luizet prend des arrêtés d’internement en Afrique du Nord pour 110 personnes arrêtées. ; 85 devant être internées dans les camps d’Akbou, Berroughia ou Bossuet.
Quelques exécutions extra-judiciaires ont cependant lieu. Il y a une quinzaine de victimes dont 7 blessés.
Le 1er octobre 1943, par décision d’André Philip, commissaire à l’Intérieur, création d’une Commission départementale d’épuration, constituée d’anciens magistrats. Cette commission se réunit le 28 janvier 1944 avec un retard voisin de 4 mois. Un arrêté du Préfet Luizet en a désigné les 4 membres. Le 31 janvier 1944, une ordonnance réprime les dénonciations abusives.
Le 18 décembre 1944 annonce du bilan du travail de la commission : 1064 dossiers examinés dont 460 classés sans suite, 68 libérations après arrestation et 48 mobilisés. Internement ou résidence forcée en Afrique du Nord : 110. Détenus par la Sureté militaire : 33. Recherchés : 26.
Les tribunaux de mars 1945 à février 1947
Le tribunal militaire qui siège à Bastia prononce 18 acquittements et 42 condamnations dont 3 à mort avec exécutions, 6 peines de travaux forcés et 21 de réclusions. Le 26 juin 1944, création des Cours de justice. Le 26 août 1944 création des Chambres civiques : elles ne peuvent prononcer que des peines d’indignité nationale.
La Cour de justice de Bastia examine 99 cas dont ceux de 4 miliciens. Elle prononce 15 acquittements, 6 condamnations à mort par contumace (dont celle d’un irrédentiste), 28 peines de réclusion ou de travaux forcés, et 20 de dégradation nationale. De février 1945 à avril 1948 la Chambre civique qui siège à Bastia traite 364 cas (dont 24 miliciens). 70% sont inculpés pour collaboration politique. 89 sont frappés d’indignité nationale.
Le 4 juin 1948 la Haute-Cour de justice de Versailles condamne par contumace François Pietri à 5 ans de dégradation nationale pour avoir été ministre des Communications sous Vichy et à partir du 8 octobre 1940, ambassadeur de France à Madrid. Le 31 janvier 1950, une mesure de relèvement est prononcée par le Conseil supérieur de la magistrature en faveur de François Pietri.
De 1951 à 1953, des mesures d’amnistie effacent la plupart des peines prononcées par les tribunaux d’exception.
Hélène Chaubin