Né(e) à Petreto-Bicchisano (France, Corse du Sud(2A)), le 22 Juin 1904 – Décédé(e) à Perpignan (France, Pyrénées Orientales), le 23 juin 1979
Militante socialiste, puis trotskyste (membre du comité central du POI) puis de nouveau socialiste, adhérente au Mouvement de Libération nationale. Administratrice de La Voie de Lénine (1939), de Cité soir (1945-1946) et de La pensée socialiste (1947-1948). Institutrice de 1925 à 1968. Elle était connue dans le mouvement trotskyste sous le nom d’Ago, abrégé du nom de son premier mari.
Fille d’enseignants, Jean Baptiste Renucci (instituteur en Corse puis à Lyon) et Marie Nicolette Vinciguerra, (institutrice chargée de couture) décédée très tôt, Maria Renucci dut élever ses frères. Elle entra à l’école normale en 1922, obtint le brevet supérieur en juin 1925 et devint institutrice en 1925 à Pratavone, puis à Petreto en 1928. Elle quitta la Corse en 1931 pour rejoindre un poste d’auxiliaire de direction à l’école de la rue Barbanègre à Paris. L’année suivante, elle enseigna à Montreuil. Elle milita en 1935 à l’intérieur du Parti socialiste SFIO dans le Groupe bolchevik-léniniste qui rassemblait les trotskystes. Après l’exclusion de cette tendance à la fin de 1935, elle participa le 2 juin 1936 à la création du Parti ouvrier internationaliste (POI) animé par Pierre Naville et Jean Rous. Trésorière du nouveau parti et administrateur de son organe La Lutte ouvrière, elle milita dans le XIXe arr. de Paris. Déléguée au Ier congrès du POI les 10-11 octobre 1936, elle y fut élue membre du comité central. Ce mandat fut renouvelé au congrès suivant, fin octobre 1937. Maria Renucci assuma, en particulier, la responsabilité de la région parisienne. Elle épousa Jean Rous* le 28 juillet 1938 ; ce fut son second mariage puisqu’elle avait épousé Paul Louis Agostini, militant socialiste de la 19e section de Paris, dont elle était divorcée depuis le 16 décembre 1937.
Au cours du débat intérieur au POI à la fin de 1938, elle accorda son appui à la tendance dirigée par Jean Rous et Yvan Craipeau* favorable à l’adhésion au PSOP. Le IIIe congrès du POI réuni les 14-15 janvier 1939 ayant repoussé cette proposition, Maria Rous quitta ce parti en même temps que la tendance minoritaire afin de rejoindre le PSOP peu de temps après. Elle fut l’administrateur de la revue La Voie de Lénine éditée par son courant de pensée. Lorsque les troupes allemandes furent près de Paris, elle tenta de rejoindre son mari, Jean, affecté dans l’Hérault, abandonnant son poste d’institutrice de l’école de la rue Chartier. Mais dès le 26 août 1940, elle était rentrée à Paris avec Jean. Elle reprit son poste jusqu’au début de l’année 1942, peu après la libération de Jean de la prison de Villeneuve Saint Georges, où il purgeait une peine de six mois pour« propos hostiles au IIIème Reich ».
Politiquement, Maria Rous cessa d’appartenir au mouvement trotskyste à l’automne 1940, en même temps que Jean Rous*. Elle ne semble pas avoir appartenu officiellement au MNR co-fondé par son mari en octobre 1940. Elle suivit Jean Rous, ou parfois le précéda, dans les diverses pérégrinations qu’ils durent faire à partir de décembre 1942. Elle habita chez son beau-père près de Prades, puis à Montpellier, et enfin à Lyon à partir de 1943. Durant cette période, elle avait été atteinte d’une affection non précisée sur les documents, mais reconnue un temps par les Inspections académiques de Paris et de Tours. Elle continua d’être salariée de l’Etat. Cependant, en mai 1943, un courrier de l’Inspection académique de Perpignan lui annonça qu’elle n’était plus reconnue comme bénéficiant d’un congé de longue durée. Malgré une demande de révision de la décision, elle fut considérée comme « en congé de convenance personnelle sans traitement » à compter du 22 avril 1943. Peu après, en août 1943, elle écrivit à son cousin en Corse pour s’enquérir de sa santé et de celle de tous les membres de sa famille. Cette lettre précise qu’elle habite rue de la croix Rousse à Lyon. Elle y retrouva des amis de jeunesse et proposa à ses cousins de payer les impôts des propriétés familiales qu’elle possédait en Corse. La situation financière de la famille Rous était réglée par l’embauche de Jean comme avocat-conseil de l’Association « Les Amis des Maisons des jeunes ». En 1944, elle était membre numéro 275 du Mouvement de Libération National et habitait rue d’Austerlitz à Lyon. Elle rentra à la SFIO en 1945. De retour à Paris elle reprit un poste d’institutrice, et devint administratrice d’une société appelée « La Pensée nouvelle », créée conjointement par André Philip, Raoul Danan et Jean Rous. Cette société avait pour fonction de financer le quotidien Cité soir. La rupture entre les trois actionnaires faillit se terminer devant la commission des conflits de la SFIO. Entre 1946 et 1948 elle assura la fonction d’administrateur de La Pensée socialiste, revue de la gauche socialiste. Maria soutint Jean Rous durant toute leur vie commune, y compris lorsqu’il refusa de se présenter à des élections dans les Pyrénées Orientales ou quand il dut partir au Sénégal. C’est elle qui l’incita à revenir en Catalogne pour continuer les combats menés pour la décolonisation. Foncièrement Corse, elle ressentait la nécessité de la reconnaissance des cultures des régions aux langues minoritaires. Pour les témoins de leur couple, elle était un esprit attentif, politiquement clair et ferme. Lorsque Jean Rous était hésitant, elle proposait souvent le bon choix. Bien qu’ayant quitté le mouvement trotskiste en 1940, elle était restée la militante trotskiste qui le guidait.
Pierre Chevalier
SOURCES : La Lutte ouvrière, 25 novembre 1937. — Renseignements de J.-M. Brabant et Rodolphe Prager. — Témoignage de J. Rous (1979). — Archives départementales des Pyrénées Orientales, 96J9. —Pierre Chevalier, Jean Rous (1908-1985), une vie pour le socialisme et la décolonisation, Thèse de Doctorat de l’Université de Perpignan, 1999.