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Archives : éditoriaux Retour sur la déclaration révisionniste du parlement européen.

25 janvier 2020

Dans une déclaration sur  » l’importance de la mémoire européenne pour son avenir », adoptée à la majorité le 19 septembre 2019 (1), le parlement européen revient sur l’histoire tourmentée de notre continent où puise l’Union Européenne pour justifier sa création et éclairer la voie de son avenir. Mais quelle histoire ?  quelle (s) mémoire (s) ? pour quel avenir ? L’ANACR s’est inquiété de cette déclaration (voir l’éditorial précédent). La Fédération Internationale des Résistants (2) s’en est émue aussi : « Le texte de la déclaration n’indique pas l’avenir de l’Europe , mais constitue un retour idéologique aux pires moment de la guerre froide… »

Ne pas faire de l’histoire récente le but de l’histoire antérieure

Dans cette déclaration, la Seconde Guerre mondiale y figure en bonne part. C’est justifié puisque la construction européenne, par-delà le projet d’un Marché commun (Traité de Rome), elle a fait sienne, à sa création, les valeurs qu’avaient piétinées les nazi-fascistes, celles des Lumières et des droits de l’homme. Mais la construction européenne porte aussi la marque de la Guerre froide de ces années 50, quand elle a pris naissance; et même si le bloc soviétique a disparu depuis, il y a des réminiscences de cet affrontement dans cette déclaration du parlement européen. Le ressentiment des pays de l’Est de l’U.E. autrefois inféodés à l’Union soviétique ainsi que le contentieux actuel qui tient au conflit  entre l’Ukraine et la Russie, tout cela a pesé sur le contenu du document jusqu’à « dénaturer les faits par la spéculation en faisant  de l’histoire récente le but de l’histoire antérieure. » (2). Autrement dit, la déclaration nous renseigne plus sur la conjoncture politique qui l’a engendrée qu’elle nous instruit sur l’histoire. Une histoire que le parlement réécrit : celle de la Seconde Guerre mondiale… mais pas seulement. (3)

Pour le parlement européen, la signature par l’URSS, le 23 août 1939, d’un pacte de non-agression avec le régime nazi l’aurait rendue, Russie en tête, co-responsable avec l’Allemagne, de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Et le pas est parfois franchi  pour faire « du nazisme un reflet du communisme et une réponse légitime au danger bolchevique » (4) ;  « communisme, fascisme et nazisme, au même titre, ne sont rien d’autre que des produits de la Grande Guerre » mais puisque le communisme précède chronologiquement aussi bien le fascisme que le nazisme, dès lors « Mussolini et Hitler ne sont que de vagues imitateurs de Lénine … » (5), une réaction au bolchevisme donc.

Le pacte, oui mais pas seulement.

Que le pacte ait mis le feu aux poudres, soit ! Mais comment l’Europe, dans l’Entre-deux-guerres, est-elle devenue cette poudrière  à laquelle l’étincelle du pacte germano-soviétique à mis le feu ? Le traité de Versailles, et la crise de 1929 surtout, sont pour beaucoup dans la montée du nazisme en Allemagne mais ça n’explique pas tout. Sir Winston Churchill qu’on ne peut soupçonner de complaisance à l’égard des bolcheviques a, lui, situé dans ses mémoires de guerre, les responsabilités de chacun des futurs protagonistes : « Il  est difficile de trouver, écrit-il, un équivalent à la déraison du gouvernement britannique et à la faiblesse du gouvernement français au cours de cette période désastreuse [L’Entre-deux-guerres] où, d’ailleurs, l’un et l’autre reflétaient l’opinion de leurs Parlements. Quant aux États-Unis, ils ne peuvent pas d’avantage échapper à la condamnation de l’histoire. [Ils] s’imaginaient que cela ne les regardait en rien. » (6) […] Combien d’occasions manquées d’arrêter la main criminelle de Hitler ! Et Churchill déplorait, après les accords de Munich, que les propositions faites par l’URSS d’une alliance tripartite avec la Grande Bretagne et la France n’aient reçu qu’un accueil « froid et dédaigneux » (7). Ça n’empêche pas l’ex-premier ministre de juger sévèrement le cynisme de Staline « dépourvu de tout scrupule » (8). Et, fait remarquer Churchill :  » Vingt-deux mois seulement allaient s’écouler avant que Staline et les millions d’êtres qui composent la nation russe paient ce pacte d’un prix terrible. […] La morale qu’on peut tirer de tout cela est d’une simplicité banale : l’honnêteté est la meilleure des politiques  » (9)

Et maintenant, la réhabilitation des Waffen SS.

Plus de vingt millions de morts, un pays dévasté par la guerre. Alors on comprend l’ire des Russes contre le parlement européen à qui il reproche de réécrire l’histoire en faisant fi, au passage du lourd tribut qu’ils ont payé pour vaincre le nazisme ; un plaidoyer du parlement à charge, une interprétation univoque des faits. Et on apprenait qu’en ce mois de septembre 2019, ce même mois où le parlement européen écrivait son histoire de l’Europe, le ministre de la Défense letton Artis Pabricks déclarait, que les Lettons engagés dans la Waffen SS étaient « la fierté du peuple letton et de l’Etat ». C’était lors d’une cérémonie pour le 75ème anniversaire des combats que menèrent, en 1944, les légionnaires lettons contre l’Armée rouge. On aurait pu attendre une réaction indignée de la part de l’U.E. (dont fait partie la Lettonie). Il n’en a rien été. Préoccupant !

NOTES

(1) Le seul euro-député de Corse, François Alfonsi, était de cette majorité.
(2) Karl Marx. L’idéologie allemande. Edition sociale 1968. P. 65
(3) Il y a aussi dans cette déclaration du parlement une surprenante et indécente place de la Révolution française dans la chronologie des fléaux subis par l’Europe ; entre les guerres de religion et les deux guerres mondiales.
(4) Zeev Sternhell. « Les anti-Lumières. Fayard 2006. p. 575. Dans les années 80, sur ce sujet et de ce débat est née, en Allemagne, « La querelle des historiens ». La figure de proue des révisionnistes était l’historien Ernest Nolte.
(5) Ibid.
(6) W. Churchill. La deuxième guerre mondiale. Ed. Plon 1947. T1. « L’orage approche ». P. 78
(7) W. Churchillll. Ibid. P. 381
(8) Il a même livré aux nazis les communistes allemands et polonais pour s’attirer les bonnes grâces d’Hitler.
(9) W. Churchill. Ibid. P. 40

A.P

Winston Churchill : "Jetons un regard en arrière…" (1)

"Jetons un regard en arrière et voyons ce que nous avons successivement accepté ou abandonné : le désarmement de l'Allemagne par traité solennel et le réarmement de l'Allemagne en violation de ce même traité solennel; l'abandon de la supériorité aérienne et ensuite de l'égalité [avec l'Allemagne]; la réoccupation de la Rhénanie par des forces armées [allemandes] et la construction de la ligne Siegfried ; la création de l'axe Berlin-Rome ; l'absorption et la digestion de l'Autriche par le Reich ; l'abandon et le dépeçage de la Tchécoslovaquie par les accords de Munich ; la ligne de fortifications tchécoslovaque aux mains des Allemands [Après les accords de Munich]; l'utilisation au bénéfice des armées allemandes des usines de munitions Skoda ; le dédain avec lequel furent reçues, d'une part, les propositions du président Roosevelt pour stabiliser et régler la situation européenne et, d'autre part, l'incontestable bonne volonté de la Russie soviétique de se joindre aux puissances occidentales et de marcher à fond avec elles pour sauver la Tchécoslovaquie ; enfin la disparition des 35 divisions tchèques qui auraient pu tenir contre l'armée allemande encore mal préparée, alors que la Grande-Bretagne n'était pas en mesure d'envoyer plus de 35 divisions sur le front français... Le vent avait tout emporté." 

(1) W.Churchill. La Deuxième Guerre mondiale. Ed. Plon 1947. T1. "L'orage approche". P. 354



 

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