C’est une grande figure du « monde combattant » qui disparaît, et l’ANACR 2A perd un fidèle adhérent. Il a été inhumé ce 31 mars dans son village de Zonza. Il revenait au lieutenant-colonel (h) Raoul Pioli, président de la « Commission mémoire » pour la Corse du Sud de faire l’éloge funèbre de ce grand soldat.
« Cher Président, et si vous me le permettez aujourd’hui, avec le respect dû au grand Ancien de l’Arme du Train que vous êtes, cher Marc Aurèle,
» Il m’appartient, ce 31 mars 2021, d’assumer la lourde tâche de vous dire adieu. C’est en amis, et l’on peut dire aussi en soldats, que nous nous réunissons une dernière fois autour de vous. Pour témoigner la considération, l’estime et l’affection que nous portons au président Marc Aurèle MARTINETTI, mais aussi à l’officier qu’il a été. Nous sommes présents pour partager, avec les vôtres, ce moment bien cruel. Nous voulons exprimer à votre épouse, à vos trois enfants, à vos petits-enfants et à votre arrière-petit-enfant, comme à toute votre famille, notre sincère affection en ces heures d’infinie tristesse. Qu’ils sachent, toutes et tous, que devant l’immense chagrin, le monde combattant d’Ajaccio et les anciens de l’arme du Train, s’inclinent, sont à leurs côtés, et les soutiennent dans l’épreuve.
« Bien que né le 14 janvier 1922 à Arles, dans les Bouches-du-Rhône, vous avez toujours conservé la nostalgie de la Corse, berceau de votre famille. Particulièrement de ce village de Zonza, que vous évoquiez toujours avec grand plaisir, et auquel vous êtes demeuré très attaché. La jeunesse d’alors, dans une France qui a connu la plus grande défaite de son histoire en 1940, et qui est à moitié occupée par les allemands, voit ses ambitions très limitées et incertaines. De nombreux jeunes gens, courageux et ardents patriotes, n’acceptent pas cette situation. Pour ces hommes, résolus et déterminés, l’unique obsession est de rejoindre l’armée française d’Afrique du Nord pour continuer le combat et chasser l’occupant. Président Marc Aurèle MARTINETTI, vous étiez de ceux-là. C’est ainsi que le 18 mars 1942, vous vous présentez à la 15ème Compagnie du Train à Marseille, pour souscrire un contrat d’engagement volontaire au titre du 25ème Escadron du Train à Constantine en Algérie. A ce moment là, l’Afrique Française du Nord est sous le régime de Vichy, et les américains ne débarqueront qu’à partir du 8 novembre 1942. Vous vivrez ces évènements historiques en Algérie. Dès lors, c’est avec les forces françaises d’Afrique du Nord que vous prendrez part au combat contre les Allemands.
« Vous voilà d’abord engagé dans la campagne de Tunisie, dès le 28 novembre 1942. A ce sujet, c’est personnellement que je conserve le souvenir de l’émotion, avec laquelle en 2009, vous me racontiez votre baptême du feu. C’était lors d’une attaque de la Luftwaffe du III° Reich. Très exactement le 23 février 1943, dans la région du Kef en Tunisie. Vous étiez alors, en compagnie de votre ami Raymond FILIPPI. Trois mois après, la Tunisie est libérée, et vous défilez victorieusement à Tunis en mai 1943.
Huit mois plus tard, avec l’Armée d’Afrique renaissante, vous arrivez en Corse le 25 janvier 1944. Ce ne sera pas pour longtemps, puisque le 13 juillet vous embraquez à Porto-Vecchio, pour débarquer à Civita-Vecchia (en Italie) le 14 juillet. Date, on ne peut plus historique pour la France. Ensuite, ce sera la marche victorieuse à partir de Rome, avec la prise de Sienne, puis celle de Florence en juin 1944. A votre humble niveau, vous pouvez être fier d’avoir participé à l’héroïque campagne d’Italie. Et puis, le grand jour viendra, celui pour lequel vous vous étiez engagé pour la durée de la guerre. Ce sera le débarquement sur le sol de France, à Cavalaire, en août 1944 avec la Première Armée française. Il sera suivi par l’avance dans la vallée du Rhône, la dure campagne d’hiver en Alsace, le franchissement du Rhin au printemps, l’entrée en Allemagne et la fin de la grande épopée victorieuse en Autriche, le 8 mai 1945.
« Voila un magnifique parcours pour le jeune sous-officier, engagé volontaire comme soldat en mars 1942 et déjà décoré de la croix de guerre. Mais vous ne vous arrêterez pas là. Ayant trouvé votre voie dans le métier des armes, vous participerez aussi à la guerre d’Indochine, puis à celle d’Algérie, toujours dans l’arme du Train. Médaillé militaire depuis 1954, vous mettrez un terme à votre parcours militaire le 31 décembre 1962. Vous pourrez alors, vous consacrer à votre famille, et entreprendre une seconde et brillante carrière en qualité de Contrôleur Principal du Trésor Public, du 1er janvier 1963 au 1er mai 1984. Bien que civil, après un si beau passé militaire, il n’était pas question, pour vous, de remiser l’uniforme au placard. Vous continuerez à servir dans la Réserve, en Allemagne d’abord et en France ensuite. Ce, jusqu’au 14 janvier 1979 date à laquelle vous serez rayé des contrôles avec le grade de lieutenant.
« Vos années de guerre, vos séjours en Indochine puis en Algérie, avaient forgés des liens fraternels que l’on ne trouve que dans l’épreuve du combat et sur les théâtres d’opérations. Vous aurez à cœur de les cultiver, et de les développer au service du monde combattant de la Corse du Sud dès 1985. Votre dévouement, vos grandes qualités d’homme de bon sens et de dialogue, votre détermination, vous ont valu d’être choisi, par vos pairs, pour assumer de nombreuses responsabilités dont on retiendra :
– la vice présidence du Conseil départemental pour les anciens combattants et la mémoire de la Nation,
– la présidence de l’Union départementale des associations de combattants de la Corse du Sud, ainsi que celle de la Fédération Maginot d’Ajaccio,
– la présidence de la 212° section des médaillés militaires d’Ajaccio,
– de surcroit, vous avez été aussi membre fondateur de l’association « Rhin et Danube » en 1975, puis également membre fondateur de l’amicale des anciens du Train en 1986.
J’arrête là l’énumération des principales activités de notre cher président Marc Aurèle MARTINETTI. Celui qui, pendant plus de vingt ans, altruiste et toujours disponible, n’a cessé de se dévouer spontanément, auprès de ses camarades anciens combattants pour faire valoir leurs droits. Tout cela sans rien attendre en retour. Tel était celui que nous pleurons aujourd’hui. La Nation, reconnaissante, vous nommera chevalier dans l’ordre national du Mérite en 1994, puis chevalier de la Légion d’honneur en 2004. Cette dernière et prestigieuse croix, viendra sur votre poitrine, s’ajouter à la Médaille militaire, à la croix de chevalier du Mérite, à la croix de guerre 1939-45, et aux diverses décorations gagnées sur les champs de bataille d’Europe, d’Extrême-Orient et d’Afrique du Nord.
« Cher Président, fidèle à vos convictions, votre engagement au service des Armées, de l’Etat, puis du monde combattant a été absolu. Nous garderons de vous le souvenir d’un homme bon, d’un homme loyal, d’un homme généreux, toujours disponible et de bon conseil pour tout le monde. Aujourd’hui, vos proches, vos fidèles amis du monde combattant d’Ajaccio, vos compagnons d’arme du Train, viennent vous rendre un dernier hommage et un ultime adieu. Avant que ne s’éloigne ce cercueil, je voudrais maintenant m’adresser à la famille de notre ami Marc Aurèle MARTINETTI. Vous avez, toutes et tous, de la chance d’avoir eu pour époux, père, beau père et grand-père, un homme d’honneur aux convictions affirmées. Puissiez-vous puiser, dans le souvenir de son parcours, les raisons de conserver sa mémoire et, pour les plus jeunes, de suivre ses traces.
« Cher Marc Aurèle, mon Ancien, votre voix s’est tue, mais nous l’entendrons encore longtemps dans nos cœurs.
Président, avant de nous quitter, je tiens à vous transmettre, avec émotion, le salut fraternel de vos amis, de vos compagnons d’armes et des anciens combattants d’Ajaccio. Dans quelques minutes, avant le dernier voyage, avant « le dernier convoi » disiez-vous en Indochine, nous allons vous rendre les honneurs avec nos drapeaux.
Mon lieutenant, que saint Christophe patron de l’Arme du Train, que vous avez si souvent fêté pendant votre carrière militaire, vous accueille là-haut, dans le repos éternel, dans la paix de l’âme et dans la lumière. Qu’il vous réserve une place de premier choix au paradis des Tringlots. »
Raoul Pioli