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ActualitésArchives : éditoriaux Le programme du CNR, une source d’inspiration.

16 juillet 2021
« L’esprit de 45 », d’actualité plus que jamais !

La crise consécutive à la pandémie a été le révélateur de phénomènes anciens. Elle a mis à nu des problèmes récurrents jamais résolus. Elle a rendu intelligible ce qui jusqu’à présent ne l’était pas ou qu’on s’obstinait à ne pas voir pour certains, à ne pas vouloir montrer pour d’autres plus avertis. Le réalisateur britannique Ken Loach nous a rappelé, avec son film « L’esprit de 45 » (2013) ce que fut cette ère faite des promesses d’un monde nouveau esquissé dans la clandestinité. Parce que disait Lucie Aubrac « La mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération ». Concrètement, ce fut la mise en œuvre au lendemain de la guerre du programme du Conseil national de la Résistance : « Faire en sorte que l’intérêt particulier soit toujours contraint de céder à l’intérêt général, que les grandes sources de la richesse commune soient exploitées et dirigées non point au profit de quelques uns mais pour l’avantage de tous, que les coalitions d’intérêt […] soient abolies une fois pour toutes ». C’est sur ce socle économique, social et culturel que s’est reconstruite la société française il y a trois quarts de siècle.

Revenir aux apocalypses ?

Qu’en reste -t-il aujourd’hui ? Le socle est toujours là mais fragilisé sous les coups de boutoirs subis dans les dernières décennies. C’est Denis Kessler, ex-mao passé au capitalisme, éminence grise du baron de Seillière (MEDEF) qui doit se frotter les mains : « Il faut défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. » avait-il déclaré. Heureux aussi l’homme d’affaire Charles Beigbeder qui confiait au JDD, en janvier 2008  qu’il fallait en finir avec cette France « qui continue à vivre sur un modèle fondé en 1946 à partir du programme du C.N.R. » Mais voilà, qu’ au contraire de « La mondialisation heureuse » promise par Alain Minc la crise sanitaire a révélé la dangerosité d’un capitalisme débridé où l’intérêt général est contraint de céder à l’intérêt particulier, où le profit de quelques uns prime sur l’avantage de tous. Décidément, non ! Ce monde qui est le nôtre n’est pas à la hauteur des sacrifices et des espoirs de la Résistance. Les inégalités, l’oppression, le fanatisme religieux, les conflits ethniques, la faim, les guerres sévissent partout dans le monde. Ces fléaux contraignent, chaque année des millions d’hommes, de femmes et d’enfants à fuir la terre où ils vivaient pour essayer de trouver refuge ailleurs, parfois loin de leur pays, voire de leur continent. Et se pose aujourd’hui, avec toujours plus d’acuité, l’usage immodéré que l’homme fait des ressources de la planète alors que celle-ci est déjà bien abîmée. « Le temps de l’Apocalypse n’est plus, constatait Albert Camus après guerre. Nous sommes entrés dans celui de la médiocre organisation et des accommodements sans grandeur. Par sagesse et par goût pour le bonheur, il faut préférer celui-ci, bien qu’on sache qu’à force de médiocrité, on revienne aux apocalypses.»

Un terreau propice aux réécritures de l’histoire

Nous ne sommes pas aux temps des apocalypses, mais il est grand temps que nous cessions d’avancer avec les yeux bandés sous peine d’y revenir. La xénophobie, le racisme et l’antisémitisme qui gangrènent nos sociétés sont parmi les symptômes de ce mal-être. Et le terreau est propice pour les réécritures de l’histoire comme le fait Henri-Christian Giraud, propice aussi aux négationnistes qui ne baissent pas la garde . On lit, on entend en Corse de bienveillants commentaires sur l’irrédentisme et les irrédentistes qui auraient été poussés dans les bras de Mussolini par une France jacobine ; excusés, donc ces irrédentistes. On a même assisté, à Riga, en Lituanie, à une cérémonie rendant hommage aux Waffen SS lettons ; une cérémonie qui a reçu la bénédiction du Ministre de la Défense letton ; les Waffen SS sont, a-t-il dit : «la fierté du peuple letton». Ҫa se passe dans un pays de l’Union européenne. C’est préoccupant.

« Tornate a l’antico »

Si l’objectif ultime de la Résistance était, selon Lucie Aubrac de redonner à la France « son équilibre social et moral […], l’image de sa grandeur […], la preuve de son unité » on s’en est bien éloigné. On constate avec le sociologue Jean-Pierre Legoff que « Dans une société déconnectée de l’Histoire, qui doute des acquis de son héritage, verse dans le pénitentiel et qui ne parvient pas à se projeter collectivement dans l’avenir, le présent devient autoréférentiel. Le repli individualiste et communautariste se développe en même temps que l’action tend à se confondre avec la réactivité et l’adaptation à courte vue. »* Jusqu’à quand cette navigation à vue ? Le compositeur Giuseppe Verdi nous a donné sa solution : « Tornate a l’antico e sara un progresso ». Alors, inspirons-nous de « L’esprit de 45 » et ce sera un progrès. Inspirons-nous donc du programme du C.N.R. !

Antoine Poletti

*Marianne du 12-18 mars 2021

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