Le général Magli, qui commandait la VIIème armée italienne en Corse, avait accepté de mauvais gré la capitulation italienne. « Spectateur armé, retiré sur l’Aventin », telle sera sa stratégie à l’annonce de l’armistice (1) annoncée le 8 septembre au soir ; en fait, une neutralité contraire aux conditions d’armistice. Une neutralité impossible qui a jeté le désarroi parmi ses troupes qui ne savaient plus à quel saint se vouer (2). il s’en suit un comportement erratique, controversé de cette armée quant à sa contribution à la libération de l’île. Résultat : une duplicité coupable du commandement qui permettra aux troupes de Von Senger und Etterlin (3) de remonter la plaine orientale de la Corse pour un repli sans trop de dommages – n’étaient-ce le harcèlement de la Résistance corse avec le concours de l’armée venue d’Afrique et quelques (trop rares) unités italiennes.
En bon national-socialiste qu’il était, Magli a fait de son mieux (4), pour ne pas faire obstacle au repli de ses anciens alliés durant les combats de la libération de la Corse ; fusse en contrevenant aux conditions d’armistice et aux ordres insistants qu’il recevait de ses supérieurs. En bon national-socialiste, depuis qu’il était en Corse, il n’avait pas ménagé la Résistance et il tenait dans les jours qui ont précédé la capitulation italienne à « finir le travail ». Pourtant, il ne pouvait pas ignorer que des négociations pour un armistice avec les Alliés étaient en cours depuis la chute de Mussolini, le 25 juillet 1943, et que leurs conclusions – la capitulation – était imminentes. Alors, son tribunal militaire qui juge les résistants se hâte pour en finir avec eux avant la capitulation.
La situation est contrastées dans le sud-est de la France continentale (5). Depuis la destitution de Mussolini, le tribunal militaire italien fait preuve de mansuétude dans ses jugements à l’encontre des résistants. Et pour ceux qui sont jugés, le général Vercellino, commandant la IVème armée, requiert systématiquement, auprès du Roi d’Italie, un recours en grâce pour toutes les condamnations à mort. Toutes sont acceptées. Il n’y a plus d’exécutions. Mais en Corse, le général Magli s’obstine. Le tribunal militaire continue de siéger, sans désemparer : la dernière séance a lieu le 28 août 1943. Vingt cinq hommes sont jugés ce jour-là. Certains sont prisonniers depuis le mois de juin sans jamais avoir été jugés. Il absout sept hommes, fautes de preuves. Il en condamne quinze à des peines de prison, trente ans pour les plus lourdes et il prononce trois condamnations à mort : Bozzi Michel, Luigi Joseph et Jean Nicoli qui avaient été arrêtés en juin. Et aussitôt condamnés, aussitôt exécutés. Magli ne demande pas de recours en grâce pour eux. Ils sont fusillés le 30 août. Déjà, quelques jours auparavant, le 18 août, c’est Pierre Griffi qui a été exécuté. La Corse se souvient de ces héros et martyrs et chaque année elle commémore leur disparition mais elle n’oublie pas non plus que sur l’autre rive de la Méditerranée, les résistants ont eu plus de chance. Fortune pour eux, infortune pour les résistants corses qui ont eu à faire avec un serviteur zélé du régime fasciste : le général Magli. Regrets.
A. P.
Notes.
(1) Les Français non-signataires de cet armistice parlent, eux, de capitulation.
(2) Voir le témoignage de Giovvani Milanetti
(3) Voir le témoignage de Von Senger und Etterlin
(4) Durant les premières heures qui suivent l’annonce de la capitulation, les Italiens ont affrontés les Allemands qui voulaient se rendre maître du port de Bastia. Magli y bon ordre. Voir La libération de Bastia.
(5) Jean-Louis Panicacci. L’Occupation italienne. Sud-est de la France, juin 1940-septembre 1945. Presses universitaires de Rennes. 2010