Né le 11 novembre 1923 à Bastia. Mort le 31 août 2021 à Paris.
Léo Micheli est né d’une mère commerçante et d’un père docker, très engagé dans le mouvement syndical anarcho-syndicaliste. Dans ce contexte familial, très politisé, l’adolescent qu’il était avant la guerre vibre avec l’actualité de l’époque, notamment le Front populaire, la guerre d’Espagne et les manifestations contre les prétentions de Mussolini d’annexer la Corse. A 15 ans, fin 1938, il adhère aux Jeunesses communistes et assume la responsabilité de la bibliothèque du cercle Vaillant-Couturier de Bastia, forte de deux cent cinquante jeunes1Léo Micheli. En homme libre. Entretien avec Dominique Lanzalavi. Ed. Albiana. 2020. P. 21. En 1941, il est admis à l’école normale. Il est considéré par la police comme le chef des Jeunesses communistes de Bastia2Ibid.p.43
En 1939, Après la signature du pacte germano-soviétique, pour le jeune militant, « cela a été un moment très difficile […] nous étions montrés du doigt»3Ibid.p.39. En effet, le parti communiste est déclaré illégal parce qu’il avait soutenu le pacte. Dès lors, les communications avec les instances dirigeantes nationales du parti sont rendues difficiles. Dans les mois qui suivent la défaite (juin 1940), en dépit du large soutien des Corses à la politique du maréchal Pétain (18 000 adhérents à la Légion française des combattants en mars 1941), des patriotes n’acceptent pas l’armistice. Mais la Résistance insulaire restera à l’état d’ébauche jusqu’à l’arrivée des troupes italiennes en novembre 1942. Durant cette période, « notre problème était (donc) faire un front plus large de toute la population. C’est pourquoi, en 1941-1942, nous allons tout faire pour créer ce qui va devenir le Front patriotique des jeunes (F.P.J.) et le Front national [pour l’indépendance de la France]4Op. citée. p. 49.
Après le débarquement des troupes italiennes en Corse, la Résistance prend corps, elle s’organise. « Les F.P.J groupe des centaines de jeunes gens qui forment les noyaux les plus intrépides des maquis et sont à la pointe des manifestations le 30 novembre 1942 au lycée d’Ajaccio [anniversaire de l’adhésion de la Corse à la nation française], le 2 mars 1943 à Corte et surtout les 22 et 23 mars 1943 à Bastia »5Maurice Choury. Tous bandits d’honneur. Ed. Alain Piazzola. 2011. p. 53pour réclamer de meilleures rations alimentaires. La manifestation de Bastia, dite des ménagères, reçoit le renfort des dockers et des lycéens emmenés par Léo Micheli et ses camarades du F.P.J. Au total, des milliers de personnes dans la rue ; un franc succès puisque 1/ la revendication est prise en compte par les autorités vichystes, 2/ c’est un encouragement pour poursuivre la lutte et 3/ le F.P.J. voit grandir sa légitimité, son influence et son organisation. Selon Maurice Choury, ils seront plus de 2 000 à la veille du 9 septembre6Ibid. p. 53. Fort de ce succès, c’est Léo qui est chargé de rédiger l’ « Appel du peuple corse » à manifester le 1er mai.
Autant de résultats qui lui valent, à 20 ans en 1943, d’être associé à Raoul Benigni et Pierre Pagès pour constituer la troïka qui dirige le parti en Corse. Cette même troîka qui serait l’inspiratrice de l’ordre d’insurrection du 9 septembre. Une décision à mettre au crédit, pour les uns (dont Léo Micheli) à la direction parti réuni à San Gavino d’Ampugnani au début août, et pour d’autres (dont Arthur Giovoni) au crédit de Maurice Choury, l’auteur d’une lettre adressée au comité départemental, antérieure à la décision d’insurrection, et qui recommandait instamment au comité de lancer l’ordre d’insurrection à la capitulation de l’Italie. « Ce point fort de l’histoire de la Résistance, devenu un enjeu de mémoire, continue à faire débat ». En fait, explique Hélène Chaubin : « Il n’y aurait pas eu de désaccord de fond sur le principe d’une insurrection populaire entre la direction régionale du parti communiste et celle du Front national. Il n’ y a pourtant pas unanimité sur la paternité de la décision de principe »7Hélène Chaubin. La Corse à l’épreuve de la guerre, 1939-1945. Ed. Vendémiaire. 2012. p. 198. Selon Sylvain Gregory (la biographie sur le site du Maitron), « Durant l’été 1943, [Léo] participa à toutes les réunions clandestines de la direction de la région corse du PC à Bastia avec Raoul Benigni, puis à celle du FN à Porri où fut arrêtée, dans le courant du mois d’août 1943, la décision d’insurrection en cas de capitulation italienne.
Léo participe aux combats libérateurs puis rejoint l’Algérie où est mobilisé pour la suite de la guerre. La France libérée, en 1945, il rejoint la comité central du P.C.F. , précisément le secrétariat de Jacques Duclos, membre éminent de la direction du parti. La réaction du parti après les révélations du 20ème congrès du PCUS et son refus de publier le rapport Kroutchev qui dénonçait les crimes de Staline, amènent Léo Micheli à exprimer son désaccord. Léo quitte alors la direction du parti et se reconverti professionnellement ; il devient un cadre des Éditions Larousse.
Le capitaine FFI Léo Micheli sera décoré de la Légion d’honneur par le président François Hollande à l’occasion du 70ème anniversaire de la libération de l’île en 2013. Il y prononcera son dernier discours public, lui, le dernier dirigeant régional encore en vie. Souvent appelé à témoigner sur cette période de l’histoire de la Corse il a livré « sa vérité » dans un dernier entretien avec Dominique Lanzalavi publié en 2020: « En homme libre ». Il été inhumé au cimetière de Bastia le 10 septembre 2021.
Antoine POLETTI
Lien FR3 La minute de Léo Micheli <br> Le panier de la ménagère (france3.fr)