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Actualités 80ème anniversaire de la mort de Danielle Casanova

13 mai 2023
Portrait. Dessin de G. Gosselin
Dessin. Portrait de Danielle Casanova. (G. Gosselin)

Il y a 80 ans, le 9 mai 1943, mourait à Auschwitz Birkenau, emportée par le typhus, Danielle Casanova, née le 9 janvier 1909 à Ajaccio. Avant sa déportation à Auschwitz elle avait été incarcérée, mi-février 1942, à la prison de la Santé puis au Fort de Romainville.  Et c’est de là, le 21 janvier 1943 qu’elle fut déportée avec 230 de ses compagnes d’infortune. Quelques jours auparavant, elles avaient ensemble fêté les 34 ans de Danielle ; une vraie fête lors de laquelle ses amies lui avaient offert des cadeaux confectionnés avec des bouts de tissus et de cartons. Il fallait garder la tête haute, sa dignité, comme un défi aux geôliers.

Indomptable ! Ce superlatif lui va bien. Depuis l’âge de 18 ans, quand elle est arrivée à Paris pour y faire ses études en « dentaire », elle milite au sein de l’Union fédérale des étudiants puis avec les Jeunesses communistes où elle accèdera aux plus hautes responsabilités nationales et internationales. Danielle Perini y rencontre alors Laurent Casanova qui deviendra son époux. Au sein de ces organisations elle avait la responsabilité de faire entendre la voix des femmes à une époque où celles-ci n’avaient pas plus de droits qu’un mineur ou un handicapé mental. Danielle était de tous les combats : pour la cause des femmes mais aussi pour le Front populaire et la défense de la république espagnole. Indomptable toujours au siège de la Gestapo (rue des Saussaies), à la prison de La Santé et au fort de Romainville.

Indomptable même à Auschwitz Birkenau. Après six jours, le convoi des déportées arrive au petit jour dans un paysage blafard. Il fait froid. La plaine est enneigée. On devine les baraquements du camp. Le train s’arrête lentement, dans le crissement lugubre des freins. Les portes des wagons s’ouvrent et aussitôt montent les cris des SS et les aboiements de leurs chiens. Les matraques voltigent pour faire aligner ces femmes avant leur entrée au camp. Elles avaient connu les dures conditions de la prison mais là elles découvrent, effarées, l’enfer concentrationnaire.

La peur les saisit. Danielle le perçoit. « Il ne faut pas faiblir. Il faut chanter la Marseillaise », pense-t-elle. Mais elle ne chante pas juste , il ne servirait à rien qu’elle commence. Alors, elle glisse à sa compagne : « Raymonde, La Marseillaise… » Et Raymonde Salez, de sa voix claire, entonne l’hymne de la liberté, aussitôt suivie par ses compagnes qui chantent à tue-tête, comm

Cérémonie Casanova 2023

e elles ne l’avaient jamais fait auparavant. Et c’est ainsi qu’elles franchissent le portail du camp. Les SS sont médusés. La doctoresse tchèque du revier, l’infirmerie du camp, se souvient. C’était inouï. « Pour la première fois, témoigne Manca SVALBOVA, nous respirons profondément, avec un goût de liberté. […] A Auschwitz-Birkenau, le chant des Françaises a fait un tabac.
C’était une première. Il n’y aura pas de seconde fois.
[…]

« Quand Danielle arriva, dès qu’elle m’eut donné la main, et à son regard, je sus qui était Danielle Casanova. […] Avec quelques phrases à vous envelopper, à vous embrasser, il vous semblait avoir toujours connu son visage, et que ses bras vous avaient déjà sauvé ».

Danielle Casanova est devenue une de ces figures nationales emblématiques de la résistance féminine : femmes résistantes d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs.
Ici, contre les agressions, violences, viols et meurtres qui défrayent la chronique ; contre les discriminations qui à bas bruit empoisonnent le quotidien des femmes, sur leur lieu de travail, dans l’espace privé et dans l’espace public.
Ailleurs, où être née femme est une malédiction qui va jusqu’à les empêcher d’aller à l’école dans certains pays ; qui les réduit à une vie en quasi-esclavage ; qui les prive des droits humains les plus élémentaires, victimes qu’elles sont d’une mentalité venue du fonds des âges.

Danielle Casanova « Au nom de toutes les autres » : héroïnes et martyres de la Résistance comme elle, comme, la doctoresse Maria de Peretti, notre compatriote, résistante du réseau Marco Polo avec le grade de sous-lieutenant. Déportée au camp de Ravensbrück, Maria a poussé sa solidarité et sa compassion pour ses camarades jusqu’à faire le sacrifice de sa vie pour l’une d’entre elles ; un sacrifice christique pour aider une de ces femmes qui hurle son désespoir après que les nazis l’ont désignée, avec d’autres, pour le four crématoire. Pour calmer un tant soit peu son effroi, Maria décide de l’accompagner. Maria n’était pas désignée, elle s’est désignée pour l’accompagner dans la mort. Héroïque et généreuse Maria !

Hommage aux héroïnes et martyres, et à toutes les autres : combattantes non parce qu’elles maniaient des armes (elles l’on fait parfois) mais parce que simplement elles donnaient asile aux maquisards, les ravitaillaient, transportaient les armes et les messages. Alors, comment résister à l’occupant sans cette aire de complicité tissée autour de la résistance armée par la résistance civile ? cette résistance civile où prend relief celle des femmes. Elles ont maintenant leur place au Panthéon comme Germaine Tillon, Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Simone Veil. Mais il reste encore beaucoup à faire pour percer ce silence de l’histoire qui a longtemps pesé sur le rôle des résistantes.

Puissent nos cérémonies y apporter une modeste contribution.

Antoine Poletti

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