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Actualités Cérémonie à Canella. En souvenir du 10 mars 1943.

10 avril 2024
30 mars 2024. Cérémonie du souvenir à Canella/Favona – Sari-Solenzara. Inauguration d’une stèle en souvenir de la 3e mission du sous-marin Casabianca en Corse, la nuit du 10 mars 1943.
L’allocution d’Ange Cinquini sur la plage de Canella

Ce 30 mars 2024, pour les habitués du lieu il a pu paraître insolite qu’il y ait autant de véhicules garés sur une aire de parking au bord de la route T 10 au sud de Solenzara. Aux beaux jours, l’endroit permet l’accès à la plage de Canella en contre-bas. Mais pourquoi autant de monde en cette saison peu propice à la baignade ? Explication : sur la plage était organisée une cérémonie pour dévoiler une stèle en souvenir d’un « toucher » clandestin du sous-marin Casabianca qui eut lieu le 10 mars 1943, et ce en dépit de la présence de l’occupant italien. Un oubli enfin réparé.

Pour le 50ème anniversaire de la Libération de l’île, une stèle avait été érigée sur la plage de Solaro pour rappeler que tour à tour les sous-marins anglais Trident et Sybil avaient abordé clandestinement sur la plage de Travo, quelques km plus au nord de Canella. C’était respectivement le 6 avril et à la mi-juin 1943. Mais rien, nulle part, ne rappelait que dès le 10 mars, plus au sud donc, à moins de 10 km de Solenzara, à Canella / Favona, où le sous-marin Casabianca avait abordé clandestinement la côte corse pour un transfert d’armes et d’agents en mission. C’était son 3ème « toucher » en Corse, après Topiti et Arone sur la côte ouest. L’oubli a été réparé ce 30 mars 2024 grâce au travail d’Ange Cinquini, un fils de Paul Cinquini, celui qui avec sa barque convoya les hommes, les armes et les munitions entre la côte et le sous-marin1Le commandant L’Herminier dans ses mémoires écrit par erreur qu’il était pêcheur. Casabianca. Jean L’Heminier. Ed. France Empire. Pour l’anecdote, Paul Cinquini a fait part aux marins d’un chargement trop lourd pour sa petite barque qui risquait de chavirer: désormais une stèle du souvenir se dresse à l’abord de la plage de Canella.

Photos du bas. De G. à D. : Photo 1, au premier plan Jean Bassi, le fils d’Augustin Bassi, avec son épouse. Photo 2, Jean Lefèvre et son neveu. Photo 4, au 1er rang, Josette Bianchi, la petite-fille de Simon Bianchi ; au 2ème  rang à gauche Mmes Fradet-Luigi et Cardot. A l’arrière-plan, à droite, la famille Baccellini..

Pour son dévoilement, Ange Cinquini avait convié en ce lieu les habitants de la région et plus particulièrement les familles de ceux qui participèrent à l’accomplissement de l’opération ; de la région mais pas seulement puisque Mme Fradet-Luigi, fille de Joseph Luigi (alias Pierre), accompagnée de son époux, ainsi que la fille de Pierre Cardot, Eliane, avaient fait le déplacement depuis le continent.  De quelques-uns de ces patriotes l’histoire a conservé le souvenir mais pour combien d’autres ont été oubliés ; ceux dont Pierre Brossolette avait écrit que « leur nom ne sera pas brodé en lettres d’or dans les plis des drapeaux » ; les obscurs et sans grade dont Ange Cinquini voulait qu’on garde la trace.

La cérémonie ouverte par l’allocution du maire de Sari-Solenzara a été suivie par celles prononcées par les descendants des résistants ayant participé à l’opération sur la plage et à l’évacuation par le rail2Une ligne de chemin de fer menait de Bastia à Porto-Vecchio. Détruite par les bombardements, elle n’a jamais été refaite après-guerre. [ii]. Deux d’entre eux, Jean Lefèvre et Antoine Tamburini, fils et arrière-petit-fils de Jean Étienne Lefèvre avaient tenu à dire la nécessité de se souvenir de l’engagement de ces patriotes pour défendre des valeurs toujours d’actualité. Auparavant, Ange Cinquini, aidé par Antoine Bighetti, l’arrière-petit-fils de Paul Cinquini, ont fait le récit détaillé des opérations de cette nuit du 10 mars

 

La nuit du 10 mars 1943 – Anses de Canella et de Favona.

L’allocution d’Ange Cinquini et son neveu

« La mission doit embarquer cinq sous mariniers Georges LASSERRE, Jean LIONNAIS, Pierre VIGOT, Paul ASSO, Robert CARDOT bloqués en Corse lors des deux premières missions (nuits des 14 et 15 décembre 1942 à la crique de TOPITI et les nuits du 5 et 6 février 1943 en Baie d’ARONE ainsi que les deux patriotes : Laurent PREZIOSI et Toussaint GRIFFI activement recherchés par l’occupant. « Venant d’ALGER, elle doit débarquer le radio Joseph Jean LUIGI, l’instructeur Jean Etienne LEFEVRE ainsi que des armes et des munitions. La mission est planifiée pour la nuit du 7 mars 1943. Lieu de la mission est un point situé sur la côte orientale dans l’anse de Canella à 8 km au sud de Solenzara sur la commune de Sari-di-Porto-Vecchio (aujourd’hui Sari-Solenzara). « Il s’agit de l’endroit idéal pour embarquer un général italien dont l’enlèvement avait été envisagé à Petreto-Bicchisano. Cet enlèvement n’avait des chances de succès que si l’embarquement du prisonnier pour Alger était effectué sur la côte est, la route pour y aller étant la plus sure. De plus Dominique Poli est propriétaire de la ferme de Tuvisà proche du lieu de rendez-vous où le prisonnier pourrait être gardé en sécurité jusqu’à l’embarquement et il est aidé par un groupe de résistants de la région.

« Par suite du refus des autorités d’Alger, l’enlèvement du général italien ne se fera pas mais le lieu l’anse de Canella reste. L’organisation générale est assurée, sur place, par le commandant DE SAULE, Jean NICOLI, André GIUSTI, François CARLI, Pierre GRIFFI et Dominique POLI. Une équipe de résistants solenzarais assure la réalisation opérationnelle. Elle est composée de François CINQUINI qui en est le chef, son frère Paul CINQUINI, Robert ANDREANI, Raymond BACCELLINI, Augustin BASSI, Charles BASSI, Simon BIANCHI, Charles SOLETTI. « François CINQUINI et Raymond BACCELLINI rencontrent Jean NICOLI dans la journée du 7 mars avec qui ils mettent en place les détails de l’opération et l’affectation des missions de chaque membre. Paul CINQUINI habite une maisonnette « U Casellu », sur la colline au-dessus de la crique de Canella, qui est mise à disposition de la résistance. Elle est utilisée comme lieu de regroupement, de guet et de cache pour les armes. De plus, c’est dans ce lieu que les nouveaux arrivants seront abrités.

« L’opération d’embarquement et de débarquement dans l’anse de Canella, est coordonnée à partir du « Casellu », en présence de Paul CINQUINI sur place. Le 7 mars 1943, les patriotes et les sous-mariniers se rendent à l’anse de Canella. Ils émettent, avec une lampe torche, les signaux d’identification vers la mer jusqu’à 2 heures du matin. Aucune réponse. Le sous-marin n’est pas au rendez-vous. Ils retournent à Solenzara. Ils réitèrent la même tentative les nuits des 8 et 9 mars 1943. Sans succès. Enfin , le 10 mars, le « Casa » est là.

Dévoilement de la stèle par les arrière-petits-enfants. de résistants

« A 23 h. 20 il s’immobilise à quelques milles au large. Les cinq sous mariniers du Casabianca, Georges LASSERRE, Jean LIONNAIS, Pierre VIGOT, Paul ASSO, Robert CARDOT ainsi que les 2 patriotes Laurent PREZIOSI Toussaint GRIFFI embarquent. Deux agents débarquent. Il s’agit du radio Joseph Jean LUIGI, alias « Pierre » et de l’instructeur Jean-Etienne LEFEVRE, alias « Paul ». Pierre GRIFFI, un radio de Pearl Harbour en Corse depuis décembre dernier, monte à bord pour échanger avec le commandant L’HERMINIER des informations majeures. Des armes sont débarquées. « Le groupe rejoint le CASELLU de Paul CINQUINI. Les armes sont cachées dans le maquis. Les résistants organisateurs retournent à Solenzara. Joseph Jean LUIGI et Jean-Etienne LEFEVRE restent au « casellu ». Ils rallieront plus tard à la ferme de « TUVISÀ » le commandant FFI Dominique POLI et le commandant DE SAULE pour assurer leurs missions. Les jours suivants, les armes sont acheminées vers Solenzara par les francs-tireurs solenzarais François CINQUINI, Paul CINQUINI, Raymond BACCELLINI, Augustin BASSI, Charles BASSI, Simon BIANCHI, Charles SOLETTI. Elles doivent être transmises par le train aux groupes de résistants à Bastia. Le chef de gare Robert ANDREANI fait rajouter un wagon et simule l’envoi d’un transport de charbon à l’adresse de Dominque POLI à Bastia. Les armes sont chargées et partent vers Bastia.

La stèle écrite en langues corse et française.
Canella. En souvenir du « toucher » du sous-marin Casabianca. 10 mars 1943

« Trois mois plus tard, au cours du mois de juin 1943, l’armée Mussolinienne déclenche une vague d’arrestation à Solenzara. François CINQUINI, Robert ANDREANI, Raymond BACCELLINI, Augustin BASSI, Charles BASSI, Simon BIANCHI, Charles SOLETTI sont appréhendés et incarcérés. Paul CINQUINI et Dominique POLI, prévenus à temps échappent à la rafle. Ils vivent dans la clandestinité jusqu’à la libération de la Corse. Joseph Jean Luigi avait été arrêté en Corse-du-Sud.

« Les sentences du Tribunal militaire italien tombent le 28 août 1943 : Joseph Jean LUIGI, condamné à mort, fusillé le 30 août ; François CINQUINI et Robert ANDREANI, 20 ans de réclusion ; Raymond BACCELLINI, Augustin BASSI, Charles BASSI, 15 ans de réclusion. Ils sont déportés dans des camps d’internements en Italie. Le 16 août 1944 les Alliés entrent à Pise. Les francs-tireurs solenzarais, dans un état de santé précaire, sont rapatriés et retrouvent leurs foyers. »

Ornée des roses blanches déposées sur le socle par les familles et leurs enfants – symbole de la transmission de cette mémoire –, la plaque a été dévoilée sous les applaudissements d’un public ravi.  Après avoir écouté le Chant des partisans, version bilingue corse-français, interprété par Serge Vacca, l’assistance était conviée au pot de l’amitié avec la projection d’un diaporama relatant ce qui s’était passé cette nuit du 10 mars 1943.

A.P.

 

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