Né(e) à Iles du Salut (France, Guyane(973)), le 04 Décembre 1909 – Décédé(e) à Buchenwald (Allemagne, ), le 14 sept. 1944
Ange Brand DEFENDINI, alias Bertrand est né le 4 décembre 1909 aux Iles du Salut (Guyane française). Il est le fils de Dominique et Léonia DEFENDINI, originaires de Corse. Il fréquente le lycée de Bastia jusqu’à vingt ans mais en sort sans qualification. Jusqu’à son départ de Corse A.B. DEFENDINI habite à Bastia avec son épouse Marie (« Miette ») et leurs cinq (et bientôt six) enfants. Ange Brand DEFENDINI a toujours suivi son père qui était militaire. A partir de janvier 1930 et jusqu’à la déclaration de guerre en septembre 1939, il a travaillé pour le 2ème Bureau, service français du renseignement. Pendant les quatre premières années il a servi dans l’espionnage et à partir de 1934 dans le contre-espionnage.
Etat des services militaires antérieurs à l’engagement au S.O.E.
Après la déclaration de guerre, il cherche un rôle plus actif en rejoignant le 173ème (NDLR : « le régiment des Corses »), en garnison à Bastia. Avec le 173ème, DEFENDINI, élevé au grade de sergent major, va combattre sur le front, au ‘Chemin des Dames’, où il est blessé dès le mois de juillet 1940. Après un bref séjour à l’hôpital de Dax, il retourne à Bastia, ce même mois de juillet, où il reprend ses fonctions dans le contre-espionnage et sert aussi secrètement la Résistance. Son épouse et lui-même ont rejoint la Résistance gaulliste en Corse, précisément le réseau R2 dont Fred Scamaroni, missionné par le B.C.R.A., est responsable pour la Corse. Il y côtoie Paul PARDI avec qui il opérera plus tard à la section F du S.O.E. (NDLR : Service Operations Executive, service secret anglais). On rapporte qu’il avait hébergé et assisté un agent britannique, le lieutenant JECKILL, appartenant à la section RF du S.O.E., vraisemblablement le même agent anglais de la section RF du SOE, le Lieutenant Albert, qui fut aidé aussi par Pardi. La citation à l’ordre d’Ange Brand DEFENDINI (voir ci-dessous) fait mention de son « courage », de «son dévouement», de «son sens du devoir» et des services rendus à la Résistance durant l’occupation de la Corse par les Italiens. Recherché par ces derniers, il doit fuir la Corse en avril 1943 en laissant sa famille. Peut-être était-il ce compagnon qui avec Paul PARDI embarque clandestinement sur le sous-marin ‘Casabianca’(1) à destination d’Alger d’où ils rejoindront Londres* ? En fait, c’est en juin 1943 qu’il fut, lui seul, reconnu déserteur.
Il rejoint la Section Française du S.O.E.
Le 22 juin 1943, Ange Brand DEFENDINI est incorporé dans l’armée britannique sous le n° 301 258.
Formation au S.O.E. : STS 7, commission d’évaluation, Winterfold house près de Cranleig, Surrey en Angleterre. Sa formation s’achevait le 29 juin quand a été reconnue son expérience de l’espionnage mais le rapport d’appréciation relève qu’il a de lui une opinion surfaite et se montre boudeur et peu coopératif s’il est contredit. Le rapport note qu’il ne se lie pas facilement aux autres et tend à n’avoir que peu d’égard pour eux en se montrant plutôt impatient. Mais néanmoins, il est apprécié comme un être mature, calme et plein d’assurance qui devrait faire un bon organisateur ou un leader pour le sabotage. En raison de son expérience dans le 2ème Bureau et dans l’armée française, DEFENDINI est dispensé de l’école paramilitaire ; il doit seulement suivre dans une école opérationnelle du groupe C, une formation de parachutage suivie d’un rappel pour les destructions de matériels (sabotage et neutralisation d’armes), l’usage des armes et le travail d’un comité de réception ; et durant trois semaines, pour terminer sa scolarité, dans une école de perfectionnement du groupe B, des cours sur la sécurité. Il y eu un léger point d’interrogation concernant DEFENDINI depuis que la sécurité avait appris qu’il avait personnellement approché la B.B.C pour avoir sa propre messagerie afin de communiquer avec sa famille et ses amis de la Résistance en Corse. Il a été réprimandé mais l’incident n’a eu aucun effet durable pour son évaluation.
STS 51 (Parachute Training School) : R.A.F.Ringway, près de Manchester. Pas de détail de son passage, sauf qu’il du faire un petit séjour à l’hôpital pour une légère blessure au dos.
STS 32C (Groupe B finishing School): Blackbridge, Beaulieu, Hampshire. Stage du 17 octobre au 10 novembre. Il a été de nouveau souligné qu’il ne se lie pas facilement (…) mais le rapport de l’école a loué « son aptitude pratique et sa ruse » ; le rapport a noté « qu’il apprend vite, qu’il est prudent, qu’il a du jugement, du bon sens et de l’imagination », qu’il a travaillé durant sa formation « en faisant preuve de beaucoup d’initiative », et en résumé : qu’il est « sympathique, digne de confiance et d’un patriotisme exacerbé ». On a jugé qu’il pourrait faire « un organisateur capable ou un subordonné fiable qui serait un ami fidèle mais aussi un ennemi impitoyable ».
STS 42 (Groupe C Opérational School). Roughwood Park, Chalfont Saint-Giles, Buckingham Shire, en Angleterre. DEFENDINI a entrepris sa formation technique dans les deux premières semaines d’octobre 1943. Lors d’une conférence sur les agents doubles il affirme que lui-même avait été « à la solde deux nations qui sont sans nom », ce qui jeta le trouble sur son passé et conduisit à de longs interrogatoires au cours desquels DEFENDINI a rappelé les détails de certains de ses contacts avec les forces d’occupation italiennes en Corse alors qu’il travaillait encore au titre du contre-espionnage pour les Français. Il a été par la suite lavé de tout soupçon.
Au service du SOE,
une première et unique mission. Dans un premier temps DEFENDINI prend le nom d’Alphonse DEFOE afin de protéger sa famille en Corse mais la Corse une fois libérée, en octobre 1943, il retrouve son véritable nom et sa vraie identité pour effectuer sa mission. Son nom de code est PRETRE, et Jules, son code sur le terrain.
En raison de sa blessure au dos contractée à la STS 51, DEFENDINI ne sera pas parachuté en France mais débarqué le 29 février 1944 sur les côtes bretonnes par la Royal Navy MGB 502 (Lt de vaisseau Peter WILLIAMS). A bord de ce bateau se trouvait aussi François MITTERRAND -le futur président de la République- agent du B.C.R.A., ainsi que Henri FRAGER et Alexander SCHWATSHKO de la section F.
Sa mission : avec son nom de code PRETRE, organiser un nouveau réseau dans le département de la Meuse, près de Verdun, et attaquer sept lignes de chemin de fer dans la région pour appuyer les Alliés le jour du débarquement. Il devait par conséquent se rendre à Saint Quentin, pour un rendez-vous, dans une maison sécurisée, avec son opérateur radio qui avait été parachuté, suppose-t-on, en France le 2 ou 3 mars 1944. La rencontre des deux hommes avait été préparée par Frank PICKERSGILL, un agent de la section F (nom de code Archidiacre) déjà en service en France. Mais en dépit de son passé d’espion professionnel DEFENDINI n’avait aucune chance. PICKERSGILL et son radio Ken MAKALISTER avaient été déjà capturés par les Allemands en juin 1943 et les informations fournies par Macalister avaient compté pour une part dans la réussite du « Jeu Radio », le Funkspiel allemand (1) pendant des mois. Un agent allemand s’étant fait passer pour PICKERSGILL, avait visité la région de Saint Quentin, pris des contacts avec la Résistance et «préparé» un parachutage d’armes aux conséquences dévastatrices. A l’insu de Londres, c’était donc les Allemands qui avaient pris les dispositions pour réceptionner le nouveau réseau de DEFENDINI et SABOURIS ; ce dernier avait déjà été capturé aussitôt parachuté lors de sa deuxième mission avec le capitaine RABINOVITCH. L’arrivée de DEFENDINI par la mer n’avait donc retardé l’inéluctable que de quelques jours. Il fut aussitôt arrêté, sans difficulté, dans la rue Raspail, à Saint-Quentin. Un message du soi-disant PICKERSGILL, envoyé par radio à Londres le 8 mars 1944 affirmait qu’il avait en toute sécurité pris le contact avec DEFENDINI. En réalité, DEFENDINI était déjà en captivité au plus tard à cette date et, toujours animé par son indéfectible sens du devoir, faisait connaître ses mouvements.
L’emprisonnemant et la mort
DEFENDINI a laissé son nom gravé sur le mur de sa cellule au n° 45 de l’avenue Foch, le 31 mars 1944. De là il a été transféré au 3 bis place des Etats-Unis puis à la prison de Fresnes d’où il a réussi à faire passer clandestinement six lettres codées via un garde russe (de l’armée allemande) sympathisant. Bien que les lettres ne soient pas parvenues à la section F avant février 1945 (elles ont d’abord été acheminées à une RF section source), elles ont donné des informations vitales sur les autres agents en fonction de la section F du S.O.E. et le rôle des DERICOURT dans la trahison qui avait eu lieu. DEFENDINI, à la cellule 28 de Fresnes, a aussi laissé la marque de son passage en inscrivant son nom de code, Alphonse DEFOE, le 30 juin 1944. Plus tard, il est transféré au camp de concentration de Buchenwald, en Allemagne où il a été exécuté le 14 septembre 1944.
Le Colonel Maurice BUCKMASTER, chef de la section F du S.O.E. a noté dans le dossier personnel de DEFENDINI : « Un gars remarquable, Résistant fiable et expérimenté, un Corse-type (excepté physiquement), il était animé par un irrépressible désir de vengeance contre l’ennemi. Il fit preuve d’éclairs d’ingénuité et d’intelligence, et aurait pu être parmi les meilleurs organisateurs s’il avait eu plus de chance. S’il n’a pas eu plus de chance, c’est à cause de l’échec du S.O.E. qui n’a pas détecté le Funkspiel (1) des Allemands.
Son nom est inscrit au Brookwood Mémorial près de Woking, Surey (Angleterre) et au Mémorial de la section F à Valençay dans l’Indre. A Bastia, une école primaire porte son nom et une plaque est apposée sur le mur de sa maison au 2 rue Capanelle. Il figure aussi sur des plaques apposées au lycée Giocante de Casabianca et au lycée Jean Nicoli en Corse, à Bastia, qui sont les équivalents actuels des établissements qu’il fréquenta ; une école maternelle et primaire de Bastia, l’école Ange Brand Defendini porte son nom en sa mémoire. Un mémorial dédié aux opérations du MGB 502 et de la résistance a été inauguré en 2002 au-dessus de la baie Beg-and-Fry, en Bretagne.
Texte et photo de Paul Mac Cue www.paulmccuebooks.com (trad. A. Poletti et Dan Corbet)
*Le « Casabianca » a touché la côte sud-est corse le 10 mars avant même que tombe le réseau R2 de Scamaroni. Donc, plus vraisemblablement, il s’agit du HMS Trident qui, dans la nuit du 6 au 7 avril 1943, a embarqué le Commandant De Saule (mission Pearl Harbour) et Jickell (Mission Sea Urchin). Sir Brooks Richards, l’auteur de « Flotilles secrètes en Méditerranée » ne fait pourtant pas mention de l’embarquement de Pardi et Defendini.
- Funkspiel : expression allemande qui signifie « Jeu radio ». C’est le nom donné à une opération du contre-espionnage allemand de la Seconde guerre mondiale mis en place par la Gestapo qui consistait à utiliser les émetteurs radio des opérateurs alliés clandestins qu’ils avaient capturés, et se faisant passer pour eux, les Allemands dialoguaient à leur place, directement avec Londres.
- MGB : Motor Gun Boat, est une vedette rapide lance-torpilles.