Lors d’une cérémonie organisée par l’association « B’nai B’rith Moshe Dayan » à Nice, le 29 janvier, un hommage a été rendu à la population corse pour son comportement philosémite, aussi loin que l’on remonte dans l’histoire, explique l’association. Selon la présentation qui en a été faite dans les médias, il reviendrait à la Corse, entre autres mérites, d’avoir eu un comportement exemplaire pendant la Seconde Guerre mondiale. Le fait qu’un seul juif (connu à ce jour) ait été déporté justifierait même, selon certains, qu’elle soit reconnue « Ile juste ».
Lors d’une cérémonie organisée par l’association « B’nai B’rith Moshe Dayan » à Nice, un hommage a été rendu à la population corse pour son comportement philo-sémite aussi loin que l’on remonte dans l’histoire explique l’association. Selon la présentation qui en a été faite dans les médias, il reviendrait à la Corse, entre autres mérites, d’avoir eu un comportement exemplaire pendant la Seconde Guerre mondiale. Le fait qu’un seul juif (connu à ce jour) ait été déporté justifierait même, selon certains, qu’elle soit reconnue « Ile juste ».
C’est un raisonnement spécieux. Comment expliquer alors que quelques centaines de Résistants ayant été tués ou déportés par l’ennemi ? La responsabilité en incomberait à toute la population corse qui s’en serait désintéressé ou pire aurait approuvé ? En vérité, en Corse, ni les représentants du gouvernement de Vichy en Corse, ni l’occupant italien, pas plus que l’allemand, se sont trop préoccupés des juifs qui étaient présents dans l’île. En revanche, ils se sont occupés des Résistants … et avec hélas quelques résultats.
S’agissant de la protection des juifs ou de l’antisémitisme durant cette période de la Seconde Guerre mondiale et celle de l’entre-deux-guerres, la Corse a eu « ses bons enfants et ses mauvais sujets » comme dit le poète, et tous comptes faits, il en ressort globalement une attitude d « indifférence bienveillante » écrit l’historien Jérémy Guedj. A l’actif, des comportement méritoires mais au passif on ne saurait passer sous silence l’antisémitisme qui avait cours dans l’île : celui professé par quelques journaux, notamment ceux — y compris A Muvra, journal autonomiste et irrédentiste – financés par François Coty qui fut maire d’Ajaccio de 1931 à 19341Il a fait campagne pour expulser Albert Eistein ; celui du « Bulletin diocésain » qui a distillé son antisémitisme jusqu’en 1942-19432Ils sont une prédication vivante ; négative mais une prédication quand même. De sorte que toutes les vexations dont ils ont été l’objet au cours des siècles et dont ils sont l’objet en ce moment, sont peut-on dire providentielle… Expulsés des pays qui ont à se plaindre de leur néfaste ingérence dans les affaires publiques, ils s’en iront dans des pays où ils ne sont pas connus et qui ne connaissent pas encore Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais là, ils ne pourront pas cacher leur étrange et navrante histoire. Ils prépareront ainsi la voie aux missionnaires catholiques qui viendront prêcher l’Évangile (…). Peut-être que la persécution actuelle est venue parce qu’ils commençaient à trop s’identifier avec les peuples au milieu desquels ils vivaient et qu’ils étaient en train de perdre leur originalité ; alors Dieu a permis qu’ils fussent ramenés durement à leur destinée : « Erunt vagi… » Ils iront vivre sous d’autres cieux, là où dieu juge que leur présence est nécessaire pour rendre témoignage à son fils qu’ils ont crucifié. Article paru dans le Bulletin diocésain 24 août 1941. Signé Joseph Ferracci; et le parti de Doriot, le PPF, qui a compté jusqu’à 300 membres en Corse ; et bien d’autres faits qui démentent un philo-sémitisme fantasmé depuis quelques années.
La Corse avait « ses bons enfants et ses mauvais sujets ». Pour preuve, le témoignage de Jacob Ninio, (un des 57 relégués à Asco à partir de fin mai 19433Iannis Roder, notre compatriote du Mémorial de la Shoah, faisait remarquer que cette mesure n’avait pas suscité de réaction collective) recueilli par Sixte Ugolini, le secrétaire de l’ANACR 2B : « Il n’y a pas eu de Juifs déportés hors de Corse4on en a trouvé un depuis, déporté avant même l’arrivée des Italiens mais notre existence était tout de même très difficile. Nous vivions dans l’angoisse et la peur. Bien que beaucoup d’insulaires aient été solidaires avec nous, je ne vous cache pas qu’il y a eu plusieurs dizaines de lettres de dénonciation adressées aux autorités ». Il poursuit : « Je tiens à dire tout haut et fort que la population locale, c’est-à-dire tous les villageois et toutes les villageoises d’Asco ont été sympathiques avec nous. Heureusement qu’ils étaient là. Ils nous ont beaucoup aidés matériellement et moralement. Ils nous apportaient des vivres ».
Donc ni excès d’honneur ou d’indignité pour les Corses. Ils ne sont ni le sel ni la lie de la terre. La Corse avait « ses bons enfants et ses mauvais sujets »
Antoine Poletti