Six ans après l’«Opération plomb durci», menée dans la bande de Gaza par Israël en décembre 2008-janvier 2009, qui en 22 jours entraina la mort de 1 400 Palestiniens, dont environ 300 enfants et des centaines de civils, la guerre fait à nouveau rage au Proche-Orient. Preuve s’il en était besoin que les politiques de force qui ont prévalu depuis plus d’un demi-siècle n’ont toujours fait que préparer le conflit suivant, en même temps qu’elles semaient la mort et les destructions, qu’elles attisaient les haines, favorisaient la montée des extrémismes, déstabilisaient la région et mettaient en péril la paix mondiale.
Près d’un mois depuis le début de la nouvelle offensive israélienne contre Gaza, le sinistre bilan de «Plomb durci» est dépassé : plus de 1800 Palestiniens ont déjà été tués, dont plusieurs centaines d’enfants, des milliers d’autres blessés. Des tirs d’artillerie, de blindés, de navires de guerre ont, avec des bombes et missiles largués par avions ou drones, écrasé des quartiers entiers d’habitation, des écoles – dont plusieurs administrées par l’ONU, touché des hôpitaux, détruit des équipements collectifs vitaux pour la population. Plusieurs centaines de milliers de personnes sont réfugiées, sans abri. Il faut que la communauté internationale fasse cesser sans condition la poursuite de ce massacre et vienne d’urgence en aide aux populations civiles.
Les racines du conflit sont multiples, plongeant dans l’histoire ancienne et récente de la région et du monde, les raisons de sa persistance mêlant aspirations nationales légitimes de tous les peuples, ambitions hégémoniques régionales, rivalités stratégiques mondiales. Un contexte rendant difficile la définition des conditions d’une paix juste et durable.
Ce n’est qu’en respectant les principes de la Charte de l’O.N.U., par le recours à la négociation, en prenant en compte l’aspiration de tous les peuples de la région à vivre en paix, dans un Etat national – y compris pour le peuple palestinien qui en est privé par la force – à l’indépendance et à l’intégrité territoriale garanties par la communauté internationale dont on doit faire respecter les décisions, que pourra s’établir cette paix juste et par là même durable.
Condamnant avec fermeté les attaques délibérées dont sont victimes les populations civiles, palestinienne et israélienne, l’Association Nationale des Anciens Combattants et Ami(e)s de la Résistance (ANACR), fidèle aux valeurs humanistes qui ont inspiré le combat des Résistants et leur refus de l’oppression, appuiera toutes les initiatives – en premier lieu celles que se doit de prendre la France – pouvant contribuer à mettre au plus vite un terme à l’actuelle effroyable et révoltante effusion de sang, en respectant les droits des peuples, dont le premier est le droit à la vie.
ANACR. 01.08.2014
Zeev Sternhell : « Un malheur sans nom »Zeev Sternhell, historien des idées, professeur émérite à l’université de Jérusalem, est une des autorités dans l’histoire du fascisme internationalement reconnues. Il est membre de l’Académie des Sciences et des Lettres d’Israël. Il lutte en Israël, au nom d’un sionisme de gauche assumé, contre la colonisation des territoires occupés depuis 1967. Son engagement pour la paix en Israël lui a valu d’être légèrement blessé lors d’un plasticage. Dans une interview à l’Express le 15 juillet dernier, il livre son analyse de ce nouvel épisode du conflit Israélo-palestinien. Il condamne sévèrement les dirigeants israéliens -droite, gauche et centre confondus – qu’il accuse de céder lâchement aux nationalistes chauvins et aux intégristes religieux. « Tous ces dirigeants sont des poltrons affirme Zeev Sternhell. Ils savent que la situation actuelle est un malheur sans nom, mais ils n’osent pas traduire leurs convictions en action politique. » Zeev Sternhell dénonce la colonisation qui » agit comme un cancer et menace de mettre fin à la démocratie de l’Etat d’Israël. Débarrassé des colonies et de la Cisjordanie, Israël serait pourtant un pays dont on pourrait s’enorgueillir et où il ferait bon vivre. (…) « Nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter le partage de la terre entre deux Etats. (…) Sinon, ce ne peut-être qu’une situation coloniale, d’apartheid. L’autre solution, un Etat binational, marquerait la fin d’Israël, la fin du sionisme, et provoquerait une guerre civile permanente. Un montage institutionnel semblable n’a pas tenu à Chypre, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie ont éclaté, il y a des problèmes au Québec, la Belgique est incapable de mettre sur pied un gouvernement… (…) Et faisant référence à la philosophie des Lumières qui lui est chère, il affirme : « . Nous peinons à nous placer sur le plan des valeurs universelles. Nous refusons de voir que le droit d’être maître de son sort est un droit dont devraient également bénéficier les Palestiniens. Cet aveuglement nous a parfois rendu service; il a été un élément de notre force et de notre puissance. Mais ce qui était légitime, car nécessaire, jusqu’en 1949, a cessé de l’être une fois que l’Etat d’Israël a été formé. Depuis lors, la poursuite du processus de conquête a perdu toute légitimité, juridiquement et moralement. Dans un livre récent (1), il évoque son engagement -militaire parfois- pour l'Etat d'Israël. Il a trop souffert dans ses chairs, lui le juif de Galicie, rescapé de la Shoah, pour ne pas tout donner afin de faire advenir un Etat où les juifs seraient "chez eux". Mais instruit par cette histoire -la persécution des juifs, la création de l'Etat d'Israël- qui est un peu la sienne, il pose un regard lucide sur les évènements, tire les leçons du passé et affronte courageusement la question que beaucoup de monde se pose : "(...)comment est-ce possible que les juifs qui ont tant souffert puissent à leur tout infliger des souffrances aussi dures aux Palestiniens occupés ?-, je me la pose aussi. Que cela soit, possible apporte seulement la preuve du fait que tout le monde est capable de tout, qu'aucune société n'est immunisée contre le mal." (1) « Histoire et Lumières. Changer le monde par la raison ». Entretiens avec Nicolas Weill. p. 189. Ed Albin Michel. 2014. |