Chargement...

 

Archives : éditoriaux De l’extrême droite en Europe et de l’enfumage du F.N. en France

13 décembre 2013
(Extraits du discours de Jacques Varin prononcé lors de la Commission Nationale le 20 novembre 2013 à Paris).* « Je suis contre les femmes… tout contre elles! ». On attribue cette saillie qui prête à sourire à Sacha Guitry. Mais qu’on la transpose à la Résistance – « Je suis contre la Résistance, tout contre elle » – et voilà introduite l’ambigüité, la source d’une confusion savamment entretenue par le Front National qui est lourde de danger. Jacques Varin, secrétaire de l’ANACR, après avoir dressé un état des forces fascistes en Europe, montre pour la France que le discours relooké du Front National, faisant de la Résistance une de ses références, peut troubler, voire séduire.

 

En Europe

Dans quasiment tous les pays d’Europe, du Nord au sud, de l’est à l’ouest, les récentes élections ont révélé une inquiétante montée de l’extrême-droite, réhabilitant parfois – souvent même, comme c’est le cas dans les Pays Baltes ou en Ukraine, ainsi que parmi les nationalistes flamands – ceux qui collaborèrent avec les nazis ; la xénophobie, le racisme-anti-immigrés ont pris de graves proportions. L’extrême-droite a été associée au pouvoir en Italie, en Autriche, elle l’est depuis peu en Norvège, l’évolution autoritaire de la Hongrie – où se manifestent des résurgences d’antisémitisme et se multiplient les violences parfois mortelles à l’égard des Roms – est des plus inquiétantes. Les élections grecques de l’an dernier ont fait, dans un contexte de grave crise économique et sociale, entrer une vingtaine de députés néo-nazis du parti de l’Aube Dorée au parlement grec ; certains ayant été récemment arrêtés après le meurtre fin septembre dernier d’un rappeur militant antifasciste par un militant de l’Aube Dorée.

Le xénophobe «Parti du Progrès» a obtenu 16,3% des voix aux récentes élections norvégiennes du 9 septembre dernier. La Norvège où le 22 juillet 2011, un terroriste d’extrême-droite fit 77 morts et 151 blessés. Le Parti du Progrès, a ainsi que je l’ai dit, été intégré – avec sept ministres, dont ceux de la Justice et des Finances – au sein du gouvernement norvégien formé le 8 octobre dernier.

Lors des dernières élections suédoises en septembre 2010, pour la première fois de l’histoire parlementaire de ce pays, une vingtaine de députés d’extrême-droite sont entrés au parlement. En Finlande, le parti d’extrême-droite dit des «Vrais Finnois» est devenu, avec 19,1% des voix lors des élections du 17 avril 2011, le 3ème parti de Finlande, à 1,3% du premier…

Sans assimiler abusivement dans leur totalité les nationalistes flamands – qui ont remporté en octobre 2012 la mairie d’Anvers – à l’extrême-droite, qui plus est néo-nazie, force est cependant de constater que certains d’entre eux ont une filiation revendiquée avec les collaborateurs flamands, qui allèrent pour nombre d’entre eux jusqu’à s’enrôler dans des formations SS. Ce qui n’est pas sans inquiéter.

En Grande-Bretagne, l’U.K.I.P., le Parti pour l’Indépendance du Royaume-Uni, eurosceptique et aussi anti-immigrés, qui a obtenu 23% des voix lors des élections locales partielles le 2 septembre 2013, est crédité de 17 à 20% des voix lors des élections de 2015.

En France

Et dans notre pays ! Le scrutin régional des 14 et 21 mars 2010 avait déjà été révélateur : près de 12 % des électeurs ayant donné au 1er tour leur voix au Front National sur le plan national. Et lors de l’élection présidentielle tenue en 2012, Marine Le Pen a recueilli nationalement 17,90 % des voix.

Lorsque l’on étudie de près les résultats, l’on peut constater la progression du vote Front National dans quasiment tous les départements, avec des scores pouvant aller jusqu’à 30 voire 40% et plus dans certaines localités et villes. Ce qui veut dire que dans de nombreux endroits, nous côtoyons forcément en nombre dans la rue, les commerces, les transports, la vie sociale des électeurs du Front National

C’est dire que la progression de l’extrême-droite n’est pas un phénomène marginal et lointain mais aussi dans notre pays une réalité d’aujourd’hui et je le crains de demain. Ses causes sont évidemment multiples, sociales et économiques notamment, ce qui est – dans leur diversité – de la responsabilité des acteurs de la vie sociale et économiques, des forces politiques, syndicales.

Elle est aussi facilitée, la période historique s’éloignant, par la méconnaissance – en premier lieu dans les jeunes générations – de ce que fut la réalité du fascisme au pouvoir, de ce à quoi ont conduit les discours que certains tiennent aujourd’hui et qui ne sont que la reprise de ceux d’hier ayant débouché sur des crimes monstrueux.

Chers camarades, le combat contre ce que représente le Front National, et d’autres mouvements d’Extrême-droite, qui se sont manifestés parfois de manière violente lors du mouvement de manifestations contre «le mariage pour tous» (Œuvre française, Renouveau français, GUD, Identitaires, Civitas, intégristes…), c’est-à-dire le combat contre la xénophobie, le racisme, les réminiscences du pétainisme, l’esprit antidémocratique, le négationnisme historique, le néofascisme, doit être mené avec constance. Le rôle spécifique de l’ANACR, différent de celui des Partis politiques et des syndicats, est à cet égard de grande importance.

La vigilance doit être en effet constante, et le combat doit être mené sans relâche contre les idées d’extrême-droite, qu’elles s’expriment par la bouche des Le Pen, père et fille, sous la forme relookée des «identitaires» ou de manière plus «soft» comme lors du débat sur l’identité nationale ou lors de sur la laïcité ; d’autant plus que Marine Le Pen n’hésite pas à brouiller les cartes, allant jusqu’à évoquer Jean Moulin alors même qu’elle est en train de tenir des propos violemment xénophobes.

L’usurpation et le dévoiement

Les Identitaires, courant de l’extrême-droite dite radicale s’appellent à Grenoble «Les maquisards du Dauphiné», ceux de Lyon «France d’Abord, les Résistants du Lyonnais», reprennent le «Chant des Partisans», cherchent à s’assimiler aux Résistants, leur rendant hommage pour s’être opposés hier à l’invasion étrangère allemande comme eux s’opposeraient aujourd’hui à ce qu’ils appellent l’invasion étrangère, c’est-à-dire aux immigrés.

Hommage est rendu par Marine Le Pen à de Gaulle défenseur à la Libération de l’indépendance nationale face aux Anglo-américains…, je cite son discours du 1er mai 2011 : «Oublieraient-ils qu’au sortir de la guerre, il a fallu l’indépendante détermination du général de Gaulle pour refuser de se voir imposer une monnaie US que le libérateur américain avait emporté dans le sillage de ses chars ? … Tout comme dans le domaine militaire où il avait doté de la France de l’instrument nucléaire de son indépendance et pris ses distances avec l’OTAN, le refondateur de la France moderne témoignait à tous les instants de sa saine et exigeante détermination à l’indépendance nationale.

La mondialisation, c’est le nivellement du Monde, du Coca-Cola et des Nike pour tous, dans un univers qui ne devient qu’une banlieue unique, parsemée d’hypermarchés où s’entassent les produits venus du monde entier et issus de l’exploitation éhontée de millions  de producteurs ici ou ailleurs.

C’est la destruction voulue, programmée des nations, des peuples et des identités  culturelles, c’est la marchandisation de tous et toutes ; c’est cet esclavage des temps modernes, le transfert des populations d’un continent à l’autre, constituant ainsi l’armée de réserve du capitalisme qui permet aux grands patrons d’exploiter des travailleurs français. Elle permet de baisser les salaires grâce à cette délocalisation de l’intérieur qui écrase le pouvoir d’achat mais qui se montre tellement bénéfique pour les superprofits des actionnaires. » Fin de citation de Marine Le Pen.
Le 27 mai dernier, sous le titre «70ème anniversaire de la création du Conseil National de la Résistance : le combat n’est pas terminé », le responsable à la culture du Rassemblement Bleu Marine écrivait : «Ce lundi 27 mai, la France célèbre le souvenir du 70e anniversaire de la création du Conseil national de la résistance (CNR), réuni pour la première fois à Paris, dans la clandestinité, sous l’autorité de Jean Moulin. Dans une France alors occupée, cette instance va jeter les bases d’un programme qui sera appliqué à la Libération : nationalisations, sécurité sociale, retraites, indépendance de la presse…
«Né au lendemain de la guerre, le modèle social français est aujourd’hui gravement mis en péril après des décennies d’une politique économique et sociale ultralibérale imposée de Bruxelles, par un appareil bureaucratique anonyme.

«Contre la pensée unique qui fait la part belle au dogme du libéralisme sans frontières, la France doit faire le choix d’un modèle européen respectueux des Etats afin de retrouver une indépendance nationale sans laquelle la souveraineté du peuple ne saurait exister. En s’appuyant aussi sur un Etat stratège, un protectionnisme intelligent et des frontières sûres, notre pays retrouvera demain les chemins de la croissance et de la prospérité économique.

«En ce jour anniversaire, Marine Le Pen et le Rassemblement Bleu Marine appellent donc les Français à renouer avec les idéaux du CNR et à lutter sans relâche contre les puissances politico-financières afin de recouvrer une souveraineté nationale aujourd’hui en perdition.»

Je terminerai par une courte citation du blog de Yann Redekker, responsable du Front National en Franche-Comté : «Objectivement, dit-il, le positionnement du Front National est aujourd’hui beaucoup plus près du programme du CNR, qui était un programme de salut public destiné à redresser la France, après les terribles épreuves de l’occupation allemande. Aujourd’hui nous devons remettre la France sur les rails à travers un nouveau programme de saut public destiné à stopper le processus d’européanisation forcée que veulent nous opposer les eurocrates de gauche et de droite ».

…nous devons être vigilants

Imaginez un responsable local de l’ANACR, qui est à la recherche de nouveaux adhérents et militants et qui voit arriver non un laudateur de Le Pen père, reprenant ses déclarations sur l’occupation allemande qui aurait été «douce» et ses attaques contre de Gaulle ayant bradé l’Algérie française, mais quelqu’un qui rend hommage à de Gaulle, aux Résistants, au CNR et au Programme du CNR, parle des terribles épreuves de l’occupation allemande, chante le Chant des Partisans et demande à adhérer à l’ANACR…

Et bien qu’il s’agisse d’un sympathisant ou membre du Front National bleu mariniste et alors que les scores du FN atteignent les 20% voire comme je l’ai dit dans certains endroits 30 ou 40%, il se pourrait qu’il soit accepté et bien reçu, s’il n’affiche pas d’emblée son appartenance au FN, et pour peu qu’il soit militant, de se voir confier des responsabilités.

Nous avons donc un gros travail d’explication et de clarification à faire, pour démasquer la tartufferie de ceux qui n’hésitent pas à se servir des mots de la Résistance pour en trahir l’esprit,  qui, comme Marine Le Pen,  vont s’acoquiner à l’étranger, notamment en Allemagne et en Autriche avec des néo-nazis, et refusent de condamner les outrances verbales de Jean-Marie Le Pen anciennes et récentes. Nous devons être vigilants contre toute sollicitation à joindre nos noms, celui de l’ANACR, sur des textes d’appels ou pétitions pouvant permettre – comme ce fut le cas lors du débat sur la constitution européenne – de fâcheuses confusions.

Nous devons donc être aussi vigilants contre tout entrisme dans nos rangs, et réfléchir sur les modifications à introduire dans nos statuts pour nous en prémunir ainsi que, pour le cas où le loup serait entré dans la bergerie, l’en faire statutairement sortir ; rapidement, sans dommage et risque. Il a existé dans les anciens statuts de l’ANACR une notion de parrainage pour l’adhésion ; est-elle toujours potentiellement opérationnelle, ou y a-t-il d’autres mécanismes possibles à mettre en place pour sécuriser l’appartenance à notre Association ? Le Bureau National aura à réfléchir sur cette question, et à faire éventuellement des propositions en ce sens pour le prochain congrès.

Des glissements qui estompent les frontières

Nous devons aussi mettre en garde contre tous les glissements estompant la frontière qui doit clairement exister entre les idées démocratiques et les idées liberticides, en étant vigilants à l’égard de toute contamination de la vie publique par ces idées, notamment dans les domaines de la sécurité et de l’immigration.
Nous avons l’expérience de la campagne du second tour de la dernière élection présidentielle, qui a pris à cet égard une tonalité des plus inquiétantes : n’a-t-on pas entendu le ministre de Défense alors en place, Gérard Longuet, dire que Marine Le Pen était une interlocutrice possible ! N’a-t-on pas entendu dire que le Front National était un parti républicain, que des responsables de l’ex-majorité partageaient avec lui des «valeurs communes». Ce que pourrait accréditer la promiscuité dans les manifestations «anti-mariage pour tous» entre des militants de partis d’opposition et des militants des groupes d’extrême-droite xénophobes, racistes, homophobes ; et le voisinage au premier rang de l’une d’entre elles entre un élu du Front national, le député Daniel Colliard, et des parlementaires et personnalités de l’opposition.

Le 16 janvier dernier, Marion Maréchal-Le Pen, l’une des deux parlementaires F.N., a cosigné avec l’ancien secrétaire d’Etat UMP aux Anciens Combattants, Alain Marleix, avec le député UMP Lionel Luca et cinq autres parlementaires d’opposition (UMP, MPF…), une proposition de loi demandant la reconnaissance de ce qu’ils appellent le génocide vendéen.

Et François Fillon, l’ancien premier ministre qui aspire ouvertement à devenir Président de la République, a clairement évoqué il y a quelques semaines la possibilité pour lui de voter pour un candidat du Front national lors d’un duel avec un candidat de gauche.

Pour que l’histoire ne se répète pas.

Et comment ne pas être inquiets de l’atmosphère délétère de ces derniers mois, de ces dernières semaines qui, au-delà de l’affaire Léonarda, dont on aurait pu espérer qu’elle soit un épiphénomène du passé y compris récent et non découlant d’une réalité du présent, a vu se multiplier à nouveau les déclarations xénophobes – pour ne pas dire ouvertement racistes – à l’égard des Roms, celles odieuses à l’encontre de Christiane Taubira assimilée à une primate, par des individus membres des formations d’extrême-droite mais hélas appartenant aussi à certains secteurs de l’ex-majorité, ce qui fait hélas tristement écho de ce côté-ci des Alpes à des déclarations de même nature dont a été l’objet de l’autre côté, l’actuelle ministre italienne de l’Intégration, d’origine congolaise, Cécile Kyenge, victime de jets de bananes et objet de la haine raciste et des menaces de la Ligue du Nord et des néofascistes, atmosphère délétère à laquelle ont participé – quoique chacun pense ce qu’il veut de son action – les scandaleuses manifestations d’hostilité à l’égard du Président de la République lors des cérémonies du 11 novembre, tant à Paris à l’Arc-de-Triomphe qu’à Oyonnax, quand François Hollande rendait hommage aux Résistants ayant défié l’occupant nazi en défilant en armes le 11 novembre 1943, atmosphère délétère à laquelle contribuent les appels à la désobéissance civique face à la Loi, telle celle ayant institué le mariage pour tous, émanant non seulement du Front national mais aussi de milieux de l’opposition parlementaires, atmosphère délétère dans laquelle s’inscrivent les dégradations de biens collectifs, les déclarations agitant les menaces de soulèvement voire de guerre civile.

C’est dire l’importance essentielle de ce combat antifasciste qu’est la transmission de la mémoire aux générations contemporaines et futures de ce que fut la réalité du fascisme au pouvoir, de ce à quoi conduisirent les idées xénophobes qui se répandirent entre les deux guerres et les mesures liberticides qui les accompagnèrent, car cela est nécessaire pour aider à clarifier les enjeux du présent, pour faire échec à ceux qui aujourd’hui essaient de les masquer en falsifiant ce que furent ceux du passé. Ce doit être, plus particulièrement dans le contexte actuel, un aspect premier de notre action, conjointement à la transmission de la mémoire  du combat des Résistants et des valeurs qui les motivèrent.

Jacques Varin

* Titres et intertitres de la rédaction.

A lire aussi :

* dans Le Monde : http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/08/16/la-droite-de-combat-est-toujours-la_3462650_3232.html

* dans L’Humanité : http://www.humanite.fr/politique/zeev-sternhell-les-hommes-sont-capables-de-se-cons-547156

Copyright ANACR 2A 2020   |   Administration

Site de l'ANACR 2B | Site du Musée de Zonza