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Archives : éditoriaux Adieu Albert !

4 janvier 2011
Avec les ans qui passent disparaissent maintenant les derniers Résistants. Avec l’année 2010 qui vient de finir s’est achevée la vie d’Albert Ferracci, notre président d’honneur. Une vie bien remplie. La vie d’un homme tôt engagé, au temps des « années noires », dans la Résistance et avec le Parti communiste qui pour lui n’ont toujours fait qu’un. Pour le jeune instituteur, patriote et résistant (il avait vingt ans en 1940) son engagement après guerre coulait de source : le progrès et la justice sociale dans une France rénovée et dans un monde en paix, tout cela était à faire. Et il s’y consacra avec conviction et dévouement. Par devoir et fidélité.

 

Albert FerracciDevoir envers la république qui avait permis à Albert Ferracci, grâce à l’instruction publique, de s’arracher aux dures conditions de vie de ses parents, paysans pauvres de Suartone. Fidélité à l’égard de ses compagnons d’armes. « Si je tombe d’autres continueront notre œuvre » avait écrit Charles Bonafedi, avant de mourir, en forme de testament. Albert était de ces autres, les légataires de Bonafedi.
Un parcours politique sans erreurs ? Quel homme politique pourrait y prétendre sans vanité ? Et ceux qui l’ont côtoyé à l’automne de sa vie savent qu’il portait les crimes de Staline et le stalinisme comme une écharde dans son cœur. Sa tolérance et son humilité en furent renforcées sans que pour autant ses convictions soient altérées ; la cause des pauvres, des faibles et des opprimés il l’avait faite sienne une fois pour toute, à l’aube de sa vie, dans le maquis de Porto-Vecchio, et il y resta fidèle en dépit des vicissitudes de la vie politique. Cette increvable espérance …
Aussi, il n’est pas surprenant qu’à l’hommage rendu par son camarade, Paul-Antoine Luciani s’y soient associées les voix de Jean Baggioni , président U.M.P. de l’Assemblée de Corse quand Albert Ferracci en était l’élu, et celle de l’ Evêque de Corse, Monseigneur Burnin.

« Mortuis nihil nisi bene » (des morts ne dire que du bien) dit le précepte latin. Autrement dit, discours convenu. Pas toujours. Ce serait faire offense que de douter de la sincérité de leurs hommages que rien n’obligeait. Par delà l’hommage, Jean Baggioni a tenu à témoigner de son amitié, « la vraie, celle qu’on porte à quelqu’un sans attendre rien d’autre en retour que l’expression d’un même sentiment dans une même sincérité. (…) Je garde en mémoire, ajoute-t-il, non pas seulement comme un souvenir mais comme un cadeau, ces mots sincères et bienveillants au terme d’un débat dont je retenais davantage le sentiment qui l’inspirait que le simple commentaire d’un homme d’expérience (…).Il était de ces hommes qu’on a plaisir d’écouter, dont la sincérité forçait l’écoute, et dont l’expérience garantissait le crédit. (…) Je suis venu vous dire, conclut Jean Baggioni, ces quelques mots qu’il me gratifierait d’un sourire s’il les entendait, tout en posant délicatement sa main sur mon bras pour m’inviter à plus de discrétion ». Quand Albert Ferracci posait sa main sur le bras de son interlocuteur, c’était en effet une marque d’amitié. Alors, incongruité, trahison, hypocrisie que ce témoignage de Jean Baggioni ?

Rappelons-nous, en pleine guerre d’Algérie, quand gaullistes et communistes s’affrontaient, la réponse que fit la général Jacques Chaban-Delmas à ceux qui lui reprochaient de continuer à adhérer à la même association que Rol-Tanguy, l’A.N.A.C.R. en l’occurrence. Faisant référence à leur passé commun de Résistant, Chaban justifiait pour faire taire ses détracteurs : « Tout nous divisait sauf l’essentiel ». C’est certainement cela l’essentiel, « analyses » et « convictions », que Jean Baggioni dit avoir partagé avec Albert Ferracci.

L’Evêque quant à lui, a salué la mémoire d’un homme, « résistant, enseignant, responsable politique tout entier donné au service des populations, avec un grand sens de l’équité et de la justice (…), mû par un grand idéal humaniste… » et qui restera « … une référence permanente pour tous ceux et celles qui militent au service de l’homme et de l’intérêt général. (…) Permettez-moi conclut-il de vous dire que je discerne dans ce qui fut la vie de Monsieur FERRACCI, des couleurs de l’Evangile. Respectant sa mémoire et ses convictions, je ne puis m’empêcher de porter dans ma prière personnelle le départ de ce militant. Dans la foi chrétienne, nous croyons que tout ce qu’il a réalisé par son engagement et tout ce qu’il est ne peut pas mourir. ‘Celui qui aime a déjà vaincu la mort’ (St Jean) ».
S’il avait pu entendre ces paroles, Albert Ferracci aurait posé délicatement sa main sur le bras de l’Evêque, aurait évoqué le souvenir de l’abbé Bytonwski et du père Nicolas Berner, fusillés par l’occupant nazi dans le Sartenais, et lui aurait récité Aragon en souriant :

« …Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas… »

                                                                                                         Antoine POLETTI

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