Dans son livre « Tous bandits d’honneur », Maurice CHOURY tire les enseignements de l’insurrection corse, sur le plan militaire. Il est très critique à l’égard de l’Etat-major d’Alger. Il déplore qu’il ait sous-estimé les capacités militaires des patriotes de l’île, confinés dans des tâches secondaires. M. CHOURY pense que les troupes allemandes auraient subi de plus lourdes pertes, voire l’anéantissement. Dommage. Mais néanmoins, la Résistance corse a permis un débarquement « au moindre coût » en vies humaines et en dégât matériels.
Ainsi, l’insurrection du 9 septembre 1943 et les combats qui ont suivis ont permis la libération de la Corse avec une année d’avance. Et cette victoire a été acquise en 25 jours avec des moyens réduits et des pertes légères.
Grâce aux patriotes et au « », écrit le commandant L’HERMINIER, la mise à terre des troupes n’a pas donné lieu à ces démolitions, à ces massacres de population et de combattants qui ont caractérisé les débarquements de vive force de cette guerre (1)
Etudiant au mois de juin 1943 un débarquement de cette nature en Corse, le Général JUIN (ndlr : devenu Maréchal), estimait nécessaires dans sa lettre personnelle 122/3 T.S. au Général GIRAUD : une division de montagne, deux divisions d’infanterie, la division blindée, le corps franc d’Afrique, quatre groupements de Tabors et le régiment de parachutistes, à débarquer en trois points : Ajaccio, Calvi et la côte orientale.
De l’avis de GIRAUD, cette opération exigeait « au préalable la conquête totale de la Sardaigne (y compris la Maddalena) pour permettre le passage d’un convoi dans les bouches de Bonifacio. »
De telles opérations auraient demandé du temps et coûté des pertes et des destructions.
Le Général GIRAUD lui-même écrivait : « il n’est pas possible de faire fonds sur l’action des patriotes corses qui peuvent, au dernier moment, être coiffés et neutralisés en grande partie par l’ennemi. » (2)
Nos plus grands chefs militaires, pour libérer la Corse de vive force, prévoyaient donc près de six divisions.
L’insurrection du 9 septembre leur a permis d’entrer en Corse, sans coup férir, avec 109 hommes et de libérer l’île complètement avec 6 929 soldats ! On voit donc par la comparaison des chiffres que la Résistance corse a pesé autant que cinq divisions régulières !
Pour prendre de vive force la Sicile, il a fallu engager 13 divisions. Les combats ont duré 38 jours. Les pertes se sont élevées à 31 158 hommes ! Sans compter les pertes de la population civile….
Pour prendre de vive force la minuscule île d’Elbe, il a fallu 12 000 hommes et 600 véhicules.
Les pertes se sont élevées à 887 hommes. Sans compter les pertes de la population civile…
Pour libérer la Corse, il a fallu 6 929 soldats… et les patriotes. Les pertes des troupes régulières se sont élevées au total à 72 morts et 170 blessés. Celles des patriotes à 172 morts, sans compter les victimes civiles des bombardements de Bastia. [….]
Quand on sait ce qu’a coûté à la ville de Bastia le seul bombardement aérien du 4 octobre, on imagine quel désastre eût provoqué un débarquement de vive force en Corse.
Il serait injuste de ne pas mentionner le concours précieux que certaines unités italiennes ont apporté à la libération de l’île.(3) Mais cette « cobelligérance » est, elle aussi, a porter à l’actif de la Résistance corse, car elle avait su au cours même de lutte clandestine faire les distinctions nécessaires : les Mussolini passent, le peuple italien demeure. La lutte contre le chauvinisme (ndlr : anti-italien) pendant l’occupation a rendu possibles les contacts qui nous ont valu ultérieurement le soutien actif d’une bonne partie des « soldats du roi », en marche, comme nous, vers l’indépendance nationale et la liberté.
Non, les Allemands ne seraient pas partis d’eux-mêmes ! Aurait-on pu les anéantir ? Sans doute, si les possibilités des patriotes n’avaient pas été sous-estimées à Alger.
- Commandant l’Herminier « Casabianca » page 303 (Ed. France- Empire)
- Général Giraud : « Un seul but : La victoire ». pages 247, 248
- NDLR : Le général Magli donne une liste de 637 morts. Le Général Gambiez évalue à 200 le nombre des soldats morts pour la libération de la Corse.