« Génocides du XXême siêcle, Shoah et mémoire des déportations de la Seconde Guerre mondiale », thême du séminaire organisé par le Rectorat de Corse et le Mémorial de la Shoah, avec le soutien de l’ A.N.A.C.R., les 17 et 18 décembre à Ajaccio
« La Shoah a été doctrinalement fondée, philosophiquement expliquée, méthodiquement préparée, systématiquement perpétrée par les doctrinaires les plus pédants qui aient jamais existé. Elle répond à une intention exterminatrice délibérément et longuement mûrie ; elle est l’application d’une théorie dogmatique qui existe encore et qui s’appelle l’antisémitisme. » (Vladimir Jankelevitch)
On n’a pas fait le tour de la question
Sans pour autant en faire la centralité du second conflit mondial, la Shoah en est une partie constitutive majeure, enfin connue et reconnue : l’actualité est bien fournie en publications érudites de recherches, de témoignages, de colloques, de documentaires… consacrés à ce sujet. Nombre d’artistes, romanciers et cinéastes y trouvent leur inspiration pour des œuvres de fiction ; la visite de lieux de mémoire, le Concours National de la Résistance et de la Déportation sont proposés aux scolaires ; et les cérémonies commémoratives font partie du calendrier républicain. Pourrait-on en conclure alors qu’on a fait le tour de la question ? « Non on n’en a pas fait le tour » ! a affirmé résolument le Recteur de Corse, Monsieur Michel BARAT, lors de l’introduction au Séminaire de conférences des 17 et 18 décembre dernier à Ajaccio.
La Shoah comme parangon du racisme
Non, on n’en a pas tiré toutes les leçons. Massacres et génocides sont encore là pour prouver le nécessaire travail de mémoire sur la Shoah. Parce que la Shoah, si elle ne fut ni le premier ni le dernier génocide, donne à comprendre les fondements philosophiques et idéologiques qui président à tous les génocides et massacres de masse. Réalité noire de l’humanité, la Shoah fonde tous les autres génocides et le travail de sa mémoire contribue à en éviter l’imitation. Mais attention à ce que l’explication ne devienne pas justification, compréhension, excuse. Seules les explications argumentées et non la compassion, la transmission vivante et non pas abstraite, de cette partie de l’Histoire, peuvent œuvrer pour éviter que soit répété et banalisé le crime de masse. La Shoah est bien le parangon du racisme. La Shoah fait partie de l’histoire récente, de notre patrimoine affectif et ne rentrera dans l’Histoire que lorsqu’elle ne sera plus de l’histoire vécue par les témoins et acteurs de ce drame. Elle est un génocide parmi d’autres mais un génocide singulier.
Un génocide singulier
Sa singularité réside dans le fait qu’elle fut annoncée, dite, avouée par l’Allemagne nazie, au contraire du génocide qui, lui, est toujours nié et renié par ses auteurs. Elle fut théorisée : « Nous sommes le parti de la biologie appliquée » disait Himmler. Le juif est un parasite à éliminer. Dissimulé au sein de la population, il est corrupteur. Il est perfide. C’est un « sous-homme » marqué par l’étoile jaune pour le visualiser, s’en défendre et le détruire. Il n’a pas d’âme : « L’âme des Juifs s’en va en même temps que le prépuce lors de la circoncision ». Une autre singularité de la Shoah, c’est qu’elle fut longuement préparée dans les mentalités : les racines de l’antisémitisme sont profondes dans le monde chrétien. Comme il est vrai que les mentalités en Europe avaient été accoutumées aux massacres de masse par les conquêtes coloniales et la boucherie de la Première guerre mondiale. Autrement dit, l’Europe avait déjà été ensauvagée par ces crimes qui ont précédé la Shoah. Autre caractéristique de la Shoah : elle fut planifiée et exécutée industriellement par les nazis qui ont affaire à ce qu’ils considèrent comme du bétail : le juif est déshumanisé.
« Il existe une seule race : la race humaine »
Tirant les leçons de ce drame, l’O.N.U. dans la Déclaration des Droits de l’Homme dont nous commémorons le 60ème anniversaire, a solennellement mis le racisme au ban des nations ; l’homme sans distinction de race, d’origine et de religion « Il n’existe qu’une seule race : la race humaine ». C’est en ces termes que Monsieur le Recteur d’Ajaccio a conclu son introduction aux journées du 17 et 18 décembre derniers consacrées à la Shoah. D’éminents historiens ont ensuite animé ces colloques. Un résumé de leurs interventions fera l’objet du prochain éditorial.