Dans cette course dont l’objectif est de s’assurer le contrôle du port d’embarquement de Bastia, l’ennemi ne trouve jamais la route libre et il hésite à s’engager vers l’intérieur pour se livrer à des représailles. Dans la région entre Alistro et Aleria dans la plaine brûlante où le maquis chétif les dissimule mal aux avions patrouilleurs, les patriotes sont à l’affût. Les groupes des cantons de Pietra di Verde, Moïta et Cervione, près d’un millier d’hommes sous la direction du commandant Calendini, de Tox, barrent les routes vers les villages et harcèlent les convois qui se succèdent sans interruption en direction de Bastia. Hardiment, nos francs-tireurs, surplombant la Nationale, déchargent leurs armes à bout portant, s’échappent, reviennent plus tard un peu plus loin, criblent de balles plus de cinquante camions bourrés de troupes, et envoient rouler dans un champ une auto avec quatre officiers. Dans ce jeu d’héroïque cache-cache, les équipes Straboni et Giacobetti se distinguent particulièrement et François Valéry, de Pietra-di-Verde, trouve la mort. Les 19 et 20 septembre, deux convois de péniches transportant du personnel et du matériel sont observés à 3 kilomètres de la côte, se dirigeant vers le Nord ce qui indique bien que l’ennemi a été contraint par les patriotes d’abandonner son chemin initial de retraite. Le 21, Ange Angeli et François Sansonnetti (de Cambia) réalisent la liaison entre les défenseurs du col de Prato et le détachement italien au-dessus de Cervione.
Plus au sud, au confluent Corsigliese-Tavignano, et dans la région de Vezzani, les patriotes ramènent sur leurs positions les Italiens qui se retiraient sur Corte. Ils tiennent fortement les voies d’accès vers le centre de l’île. Accueillis par un feu nourri chaque fois qu’ils se présentent, exaspérés par cet ennemi tenace et insaisissable, les Allemands envoient leurs avions le 23 septembre, sur le village de Piedicorte, où ils font de nombreuses victimes (1) A Ghisoni, l’adjudant-chef Ange Pieri, après avoir armé ses hommes à Corte, entreprend l’action contre l’ennemi. Audacieusement, les deux frères Carlotti arrêtent un camion, délivrent les soldats italiens qui s’y trouvent aux mains des Allemands, faits prisonniers à leur tour… L’ennemi est chassé du groupe scolaire de Ghisoni qu’il tente d’incendier avant de se retirer.
Sa fureur va s’exercer aussi sur des patriotes pris au défilé de l’Inzecca [Au lieudit Pinzalone], le 13 septembre, quatre sont fusillés (2), un cinquième s’échapper (3), la poitrine percée… Mais ces actes de barbarie vont à l’encontre du résultat cherché. L’ardeur combative des patriotes ne faiblit pas et, mieux encore, elle se communique aux soldats italiens. Le 14 septembre, les francs-tireurs sont en position de combat en avant des positions italiennes. Le 17, les Allemands, appuyés par des chenillettes et des autos blindées, tentent de reprendre Ghisoni. Une centaine de patriotes, avec les adjudants Pieri et Fazi, soutiennent le choc. Encouragés, les Italiens font donner leur artillerie. L’ennemi renonce à aller plus loin [Voir le témoignage de O.V.]. Plusieurs cadavres et trois engins blindés restent sur le terrain… Le lendemain, un officier allemand déclare aux habitants du hameau de Saint-Antoine: «Sans les Corses, nous serions rentrés à Ghisoni.» Ainsi sur le Golo, sur le Fium’Alto, sur le Tavignano, sur le Fium’Orbo, grandes voies de pénétration au centre de l’île, les Corses, livrés à eux-mêmes, démontrent à l’ennemi que ses poussées vers l’intérieur sont vouées à l’échec.
Maurice Choury. Tous bandits d’honneur. Ed. Piazzola. Nov. 2013 p. 141,142.
NOTES
- Cinq tués sur le coup: Victor Antonetti, Marguerite Mariotti, Thérèse Massiani, Marius Pietri, Rose Simoni et quatre blessés qui décéderont par la suite: Estelle Ottavi, Valérie Luccioni, Jeanne Rossi et Jean-Noël Corazzini
- Bruno Chiodi, de Ghisonaccia, Antoine-Martin et Paul-Toussaint Martelli, Toussaint Pieri.
- Jean-François Martelli.