Récit des combats du 9 et du 10 juin 1940, par le chef de bataillon J.T. BIANCAMARIA :
« …..Le 15 mai 1940, venant d’Alsace, la 173° Demi-brigade alpine s’installe sur un très grand front entre Maizy et Pontavert, dans l’ordre de l’ouest à l’est : 3ème bataillon, 2ème bataillon, 1er bataillon. Les unités sont installées face au canal de l’Aisne et à l’Aisne. Vers la fin mai les villages de Beaurieux, de Cuiry-les-Chaussardes, de la Fontaine du Vivier sont occupés par l’infanterie allemande.
Le 9 juin vers 3 h 30 un violent bombardement est déclenché sur toute la position. A 7 heures l’attaque générale se déclenche. A droite c’est le passage de l’Aisne, à l’ouest de Pontavert, à gauche l’ennemi passe la rivière, à l’ouest de Maizy, au sud d’Oeuilly où il trouve aucune résistance, le 6ème RI ayant reçu l’ordre d’occuper d’autres positions.
Dès 9 heures deux points d’appui du 3ème bataillon, à l’ouest de Maizy, sont enlevés. Une contre attaque dégage cependant Maizy. Le 2ème bataillon ne perd aucun point d’appui. A 15 heures, l’ennemi reprend l’attaque. La situation s’aggrave rapidement à droite et à gauche de la ½ brigade. A droite elle est contournée par manque de renforts, et à gauche le 3ème bataillon est attaqué de front, de flanc et de revers. Devant le 2ème bataillon la poussée devient plus violente et les munitions s’épuisent rapidement.
A 16 heures la situation de la ½ brigade est la suivante : à droite la 5° compagnie est sans munitions à 400 mètres du PC de la ½ brigade. A gauche, le 3ème bataillon résiste énergiquement mais son diapositif est disloqué, il se défend à la grenade et brûle ses documents. Au centre tous les points d’appui ou de surveillance installés sur l’Aisne sont tombés ou encerclés. Les points d’appui du canal (ligne de résistance) tiennent. Le PC de la ½ brigade ne répond plus aux appels de TSF.
A 21 h 30, arrive l’ordre de replier sur le village de Romain. Il est aussitôt envoyé aux compagnies et à 23 heures le décrochage commence…… ».
Source : Témoignage écrit du chef de bataillon J.T. BIANCAMARIA, commandant le 2° bataillon de la 173° DBA., extrait de son ouvrage « La Corse dans sa gloire, ses luttes et ses souffrances » publié en 1963 aux éditions J. Peyronnet.
Témoignages d’acteurs des combats du 9 et 10 juin 1940
(Retrouvés dans les archives de la famille BIANCAMARIA, aimablement mises à la disposition de Raoul PIOLI)
Adjudant-chef en retraite BERETTI, grand mutilé de guerre, 4 témoignages en date du 28 novembre 1954 :
1 – « L’attaque générale est déclenchée à 7 heures mais les premiers assauts viennent s’écraser contre le feu de nos mitrailleuses. Tous nos hommes sont superbes. Le terrain est couvert de morts. « Il faut tenir….il ne sera pas dit que les Corses ont fui devant l’ennemi.. » nous avait dit notre chef de bataillon, le commandant BIANCAMARIA. Nos hommes ont tenu et beaucoup sont morts les mains crispées sur leur mitrailleuse. Ils n’ont pas fuit devant le danger, devant les risques, devant la mort, dans le vacarme démoralisant de la mitraille crachant la mort, sous la poussée d’un ennemi supérieur en nombre et doté de moyens modernes et puissants »
2 – « Le général DELMAS, commandant l’infanterie divisionnaire, qui les avait vus à l’œuvre disait plus tard, à Bastia, au cours d’une prise d’armes : « Le 173° ne fut enfoncé nulle part, il ne battit en retraite que sur ordre et pour prendre constamment sa place dans la ligne de combat »
3 – Le colonel SERRE, commandant l’artillerie divisionnaire, disait plus tard en captivité : « Nous étions étonnés de voir les hommes de la 173° se porter en avant sous la mitraille, calmes et sévères, affectant comme à la manœuvre, le ravitaillement en munitions, des unités en campagne au moment même où se dessinaient les mouvements de repli assez désordonnés qui inquiétaient mes artilleurs. L’attitude courageuse de ces braves donna confiance à mes hommes et me permit de retirer mes pièces. »
4 – Et pourquoi ne citerais-je point les propos tenus plus tard, par des officiers allemands dans un restaurant de Bretagne : « Ces Corsaires disaient-ils, sont de rudes soldats. Ils ont arrêté net notre progression sur les bords de l’Aisne. Ils nous ont infligé de lourdes pertes. Ils étaient insaisissables. »
Cité dans le « Mémorial de France » publié le 14 décembre 1940 par André Paul ANTOINE. Editions Séquana :
Il s’agit de l’héroïque repli de la 1ère compagnie du 1er bataillon sur la rivière la Vesle le 10 juin.
«…. La 1ère compagnie s’installe au village de Roucy. Bientôt l’ennemi est en vue. Bombardements d’aviation et d’artillerie, vagues d’assaut d’infanterie, se succèdent sans interruption. Les Alpins s’accrochent au village écrasé sous les obus et résistent avec une énergie farouche. Leur tir, bien ajusté, brise l’une après l’autre les vagues d’infanterie allemande.
Pendant treize heures, l’ennemi s’acharne à prendre le village. Pendant treize heures il est repoussé. Mais les pertes de la 1ère compagnie sont élevées. Les unités qui l’encadrent à droite et à gauche finissent par disparaitre, submergées sous l’avalanche ennemie. Menacée d’être encerclée, la 1ère exécute son décrochage sous un feu violent d’artillerie et d’armes automatiques. Elle parviendra cependant à rejoindre par la Vesle le gros du bataillon. »