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Archives : éditoriaux Histoire, mémoire

31 août 2013
A l’initiative de l’Office Départemental des Anciens Combattants et de l’ANACR 2A, un hommage a été rendu à Jean Nicoli le 30 août, à la caserne Battesti. Lors de la cérémonie a été dévoilée une plaque rappelant qu’en ce lieu, Jean Nicoli et tant d’autres Résistants y subirent la détention et la torture. Jean Alesandri pour l’ANACR 2A a rappelé l’impérieuse nécessité d’un commun effort de tous -institutions, services publics, associations, particuliers, etc.- pour que ne pas laisser nos sociétés, en proie aux doutes, céder à la séduction d’une idéologie qui a conduit à la catastrophe …Parce qu’il est toujours fécond le ventre de la bête immonde.

 

« […] 30 août 1943-30 août 2013 ! Il y a 70 ans exactement, ce jour, Jean Nicoli était extrait de son cachot et exécuté, on pourrait plutôt dire assassiné, par les troupes fascistes mussoliniennes, les « Chemises noires ». Ce même jour, Michel Bozzi était lui aussi exécuté. Nous commémorons aujourd’hui cette sinistre journée. La fille de Michel Bozzi et le secrétaire de l’ANACR, ont rappelé ce matin le parcours de ces deux héros. Je n’y reviendrai donc pas (…)

70 ans, c’est le temps de l’Histoire. C’est donc le temps du devoir d’histoire. L’historien, par sa formation, travaille sur les faits objectifs attestés par les documents. Il rassemble ces documents provenant des différents protagonistes, les confronte, les analyse et en tire des enseignements pour  traduire la réalité et approcher, au plus près, la vérité. Son travail est précieux et nous éclaire. Pour autant, au devoir d’histoire doivent obligatoirement s’en ajouter d’autres, portés par tous les citoyens conscients. Personnellement, j’en ai recensé au moins trois. Premier devoir : le devoir de mémoire. Deuxième devoir : le devoir de vigilance, avec son corollaire, le troisième : le devoir d’éducation.

Le devoir de mémoire :

70 ans après, acteurs et témoins de cette période à la fois sombre et héroïque sont peu nombreux. Rien ne remplacera ce contact direct avec ces femmes et ces hommes. Je peux en témoigner, pour avoir assisté à nombre de rencontres entre résistants et collégiens ou lycéens ; pour avoir capté le regard à la fois admiratif et affectueux de ces jeunes envers ces valeureux anciens.

Il appartient donc maintenant aux générations suivantes de prendre le relais. A la génération de l’immédiat après-guerre, dont je fais partie mais qui, elle aussi, avance en âge, et aux nouvelles générations. Il nous faut assurer cette transmission de la mémoire. Certains documents la conservent. Je pense notamment aujourd’hui aux dernières lettres de Jean Nicoli, ces « véritables pierres précieuses » comme les a si justement qualifiées Mario Papi. Mais la mémoire fait souvent référence à l’oral, donnant encore plus de chair et de sang à  ces femmes et ces hommes « surhumains sans jamais cesser d’être humains » comme a dit à leur endroit  Maurice Schumman.

Un court exemple, qui n’est pas dans les livres. Lorsque Jules Mondoloni arrive devant la « Brasserie nouvelle », le 17 juin 1943, il comprend vite que la souricière vient de se refermer. Il s’inquiète de son ami André Giusti auprès d’un  résistant  resté dehors prévenir ceux qui arrivent : « André est dedans ? Demande-t-il. On lui répond que oui. « Alors je rentre » dit-il sobrement en armant discrètement le cran de son revolver. Tous deux y laisseront leur vie. Quelle leçon !

Oui, nous devons conserver tous ces trésors, ceux qui sont écrits et les autres, qu’il faut inlassablement collecter, et aller les dire aux plus jeunes, pour l’exemple et pour que cette mémoire continue de vivre.

Le devoir de vigilance :

Les historiens nous le rappellent avec force : toujours, les crises économiques se doublent de crises sociales, et toutes deux, si l’on n’y prend garde,  conduisent inéluctablement à une troisième, la crise morale. Il se met alors à souffler comme un vent mauvais, aux effluves nauséabonds. Et voilà que ressortent les solutions simplistes, primaires, la recherche des éternels boucs émissaires, les métèques, les juifs errants, les pâtres pas très grecs. Racisme, antisémitisme, xénophobie reviennent dans le jeu.  Et « Le ventre de la bête est toujours fécond ».

Alors, il faut garder calme et sang-froid et contrer fermement  ces discours et ces actes indignes, avec les armes du cœur et de la raison, et de la loi si nécessaire, mais sans jamais  y déroger, en s’appuyant  sur les leçons de l’histoire. Ce n’est pas une voie facile, mais c’est la seule, qui doit impérativement s’arrimer au devoir d’éducation.

Le devoir d’éducation:

Se développant de conserve avec celui de vigilance, il est d’abord l’apanage de l’École. Au nom de l’ANACR, mais également en tant que président de la fédération de la  Ligue de l’Enseignement, la FALEP,  qu’il me soit permis de rendre ici hommage au travail des collègues enseignants de Jean Nicoli  qui, aujourd’hui  dans les écoles, les collèges et les lycées, assurent avec fidélité et pugnacité ce devoir d’éducation, notamment en participant activement  chaque année au Concours national de la Résistance avec leurs élèves , élèves qui sont aussi présents à nombre de cérémonies de commémoration.

Au-delà de l’École, ce devoir est aussi la mission du monde associatif dans sa diversité et, plus largement, de chaque citoyen dans sa famille, son lieu de travail, pour s’attacher à rappeler inlassablement les valeurs qui ont animé le monde de la Résistance. Car tous ces résistants, et Jean Nicoli en est le symbole,  ne se sont pas contentés de lutter les armes à la main-et c’était déjà beaucoup- ils ont aussi rêvé et imaginé la suite, avec le programme du Conseil National de la Résistance. Programme où ils ont décrété, entre autre, le doit égal pour tous à la santé, au travail, à l’éducation et à la culture. En fait, les valeurs des « Lumières » et de la République, notre mère à tous.

Oui, aujourd’hui plus que jamais, et peut-être plus encore  ici dans notre petite île si chère, en proie aux vieux démons de la violence, il nous appartient d’affirmer et assurer ce triple devoir : mémoire, vigilance, éducation. » […]

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